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David Hockney est peintre. Il est né au Royaume-Uni. Dans cette lettre adressée à Ruth Mackenzie, directrice artistique du Châtelet, il esquisse les piliers d'une philosophie fondée sur la nature, l'amour et le réconfort. La diffusion de ce texte est accompagnée d'une oeuvre inédite de David Hockney.
Quelque part en Normandie, le 15 avril 2020
Chère Ruth,
Nous sommes actuellement en Normandie, où nous avons séjourné pour la première fois l’année dernière. J’ai toujours eu en tête de m’organiser pour vivre ici l’arrivée du Printemps. Je suis confiné avec Jean-Pierre et Jonathan, et jusqu’ici tout va bien pour nous. Je dessine sur mon Ipad, un medium plus rapide que la peinture. J’y avais déjà eu recours voilà 10 ans, dans l’East Yorkshire, quand cette tablette était sortie. Avant cela, j’utilisais sur mon Iphone une application, Brushes, que je trouvais d’excellente qualité. Mais les prétendues améliorations apportées en 2015 la rendirent trop sophistiquée, et donc tout simplement inutilisable ! Depuis, un mathématicien de Leeds, en Angleterre, en a développé une sur mesure pour moi, plus pratique et grâce à laquelle j’arrive à peindre assez rapidement. Pour un dessinateur, la rapidité est clé, même si certains dessins peuvent me prendre quatre à cinq heures de travail.
Dès notre découverte de la Normandie, nous en sommes tombés amoureux, et l’envie m’est venue de peindre et de dessiner l’arrivée du printemps ici. On y trouve des poiriers, des pommiers, des cerisiers et des pruniers en fleur. Et aussi des aubépines et des prunelliers.
J’ai immédiatement commencé à dessiner dans un carnet japonais tout ce qui entourait notre maison, puis la maison elle-même. Ces créations furent exposées à New York, en septembre 2019. Mais étant fumeur, je n'ai pas d’attirance pour New York et n’y ai jamais mis les pieds.
Nous sommes revenus en Normandie le 2 mars dernier et j’ai commencé à dessiner ces arbres décharnés sur mon IPad. Depuis que le virus a frappé, nous sommes confinés. Cela ne m’impacte que peu, mais JP et Jonathan, dont la famille est à Harrogate, sont plus affectés.
Qu’on le veuille ou non, nous sommes là pour un bout de temps. J’ai continué à dessiner ces arbres, desquels jaillissent désormais chaque jour un peu plus de bourgeons et de fleurs. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Je ne cesse de partager ces dessins avec mes amis, qui en sont tous ravis, et cela me fait plaisir. Pendant ce temps, le virus, devenu fou et incontrôlable, se propage. Beaucoup me disent que ces dessins leur offrent un répit dans cette épreuve.
Pourquoi mes dessins sont-ils ressentis comme un répit dans ce tourbillon de nouvelles effrayantes ? Ils témoignent du cycle de la vie qui recommence ici avec le début du printemps. Je vais m’attacher à poursuivre ce travail maintenant que j’en ai mesuré l’importance. Ma vie me va, j’ai quelque chose à faire : peindre.
Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer ? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie.
Amitiés
D. David Hockney