Ingénieur AgroParisTech, consultant et conférencier, François-Xavier Marquis vient d’écrire un essai à vocation pédagogique dans lequel il démonte le modèle financier en vigueur et propose des principes différents. Il illustre l’interdépendance entre la finance et notre quotidien qui génère les fragilités de notre modèle de société devant les crises. Rencontre.

Bonjour François-Xavier Marquis. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis un petit bonhomme de rien du tout de 65 ans qui a eu la chance de naître dans une famille sans problème. Sauf que depuis que j’ai fréquenté l’Afrique, j’ai été marqué par l’indécence de la richesse excessive. C’est bien de gagner de l’argent mais il y a des gains indécents qui ne devraient pas être et qui me taraudent…

Quel est votre parcours ?

J’ai commencé comme ingénieur agro. Puis dans les années 90, j’ai été ingénieur et docteur auprès de Chambres de Commerce et de l’industrie dans l’Ouest de la France. Internet a été très important pour moi, étant engagé sur la question de l’humain dans l’usage des technologies numériques et pour « une économie décente ». 

Dans mon évolution, je monte la première autorité de certification de signature électronique pour les Chambres de Commerce. Début 2000, je prends un poste de Directeur Général à la Chambre de Commerce de Saumur. Il sera suivi de deux autres : Organisation Patronale et OPCA. En 2014, je vais sur mes 60 ans et je me dis qu’il est temps de faire les choses pour moi-même.

Je suis appelé par le Président François Hollande pour créer la Grande École du Numérique (en compagnie de Gilles Roussel et de Stéphane Distinguin). Là, je me rends compte que l’Internet que nous avions voulu vingt ans plus tôt – un Internet social, solidaire, de partage de la connaissance, à des fins non lucratives – n’existe plus du tout. On était sur un Internet d’opportunité où une économie de l’indécence avait explosé avec des gens qui généraient des profits par milliards, sur rien…

J’ai écrit deux livres à ce sujet :

– « Société numérique : patrimoine humain ou crime contre l’humanité ? » l’Harmattan 2017 

– « Pensée ou Intelligence Artificielle ? De la stratégie à la formation, l’humain au cœur du numérique. » l’Harmattan 2018

Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire cet essai « Covid 19 : Après le drame, l’espoir d’une société nouvelle » ?

Je suis toujours  dans cette réflexion quand arrive la crise économique de mars 2020. Le 4 mars 2020, on est confronté à une chute des cours de pétrole, à une explosion de la bulle financière qu’on attend depuis 4-5 ans et qui s’annonce être la plus terrible qui soit, 5 à 6 fois supérieure à la crise des subprimes…8 jours après, la pandémie est déclarée et du coup, bloque le monde. On a là la preuve que tout ce qu’on pense depuis des années n’est pas faux…

Le problème des masques illustre en grande partie les erreurs du système économique et financier que l’on vit depuis le début des années 70. On n’a ni stock ni production car il est plus rentable d’aller produire des masques en grande quantité à l’autre bout du monde plutôt qu’en petite quantité chez soi…

Vous proposez des principes pour un système qui se structure autour de l’humain…

Si on veut un système qui se structure autour de l’humain, de la vie, il faut changer les principes du système financier qui nous encadre. Et si on ne le fait pas, on ne pourra pas y arriver. Je base mon raisonnement sur les 4 principes suivants : 

  1. La vitesse n’est pas une qualité mais souvent un défaut.
  2. La monnaie n’est pas une finalité mais un indicateur d’échange
  3. L’économie part du terrain. Qu’est-ce qui crée la richesse ? Le travail des hommes et des femmes. La richesse se crée par consolidation successive du petit vers le grand et non l’inverse.
  4. L’équilibre énergie-planète. L’homme a besoin uniquement de deux choses aujourd’hui : la planète qui lui apporte ce dont il a besoin et l’énergie qui lui permet de le transformer. Si cela n’est pas préservé, les trois principes précédents ne peuvent pas fonctionner.

L’enjeu repose sur cette question : comment reconstruire un système humain, économique et financier?

Votre principal message à travers cet essai ?

Tout ce que je cherche est de dire qu’il faut repenser un système, ce qui n’est pas être révolutionnaire ! Entre 1971 et 2020, on a eu 35 crises économiques et financières…Il est vrai que le système de la mondialisation a apporté énormément de bénéfices jusqu’au milieu des années 90 mais les crises ont un effet cumulatif. A chaque crise, on reconsolide les banques, l’industrie et on appelle les États au secours qui s’endettent auprès de banques pour sauver des banques…On voit bien que plus on avance dans ce système plus il devient pervers. Ce système a 50 ans et à un moment, il faut le changer. Ce n’est pas hérétique de se poser des questions. Soit les peuples se font entendre, soit on laisse les dirigeants faire.

La pandémie est un énorme révélateur. On a une chance unique : on voit tous les dysfonctionnements de notre système. C’est un véritable contrat social qu’il faut recréer. Et je crois qu’on peut le faire, si on se fait entendre !

Vous dîtes aussi « Si on n’agit pas rapidement pour changer le monde, ce sera la rue qui s’en chargera… »

Évidemment ! On ne va jamais durablement à l’encontre des peuples. Les gilets jaunes n’arrivaient pas à mettre un mot sur ce qu’ils ressentaient viscéralement. Maintenant ils le pourront.

Un amoureux qui se fait plaquer sans comprendre, il va taper le mur. Dans notre situation, c’est pareil. Les gens n’ont plus de pouvoir d’achat, alors que les salaires sont augmentés. On a beau gagner plus, on a moins… Si on apporte pas des réponses, cela se passera dans la rue.

Êtes-vous optimiste quant à notre capacité à changer le système en place ?

En 65 ans, j’ai vu à travers l’Histoire, dans ma vie, de nombreux peuples qui ont fait changer le système car on ne résiste pas indéfiniment au peuple. Si on résiste trop violemment, cela finit avec des échafauds.

En revanche, ce qu’on oublie, nous, citoyens, c’est qu’une nation est un pacte social. Les États sont une émanation de nous-mêmes. Plutôt que de leur jeter la pierre, assumons notre rôle de citoyen. Jouons notre rôle démocratique : c’est pour cela que l’on doit se mobiliser.

Je ne suis qu’un petit bonhomme qui dit le monde qu’il aimerait voir avant de le quitter.

Vers un livre blanc d’un nouveau modèle de société ?

FX Marquis a cofondé avec Marc Bonan une action volontaire, citoyenne et strictement bénévole. L’objectif est de proposer un « livre blanc : après la pandémie de nouvelles bases pour la société. » Ces propositions seront faites à partir des échanges du forum et des rédactions du blog. L’enjeu est de rassembler des citoyens qui souhaitent proposer des solutions pour rendre notre société plus résiliente, plus réactive mais surtout plus humaine.

Lire l’essai de FX Marquis

Essai de François-Xavier Marquis « Covid 19 : Après le drame, l’espoir d’une société nouvelle par François-Xavier Marquis » dont l’intégralité des droits d’auteur sont reversés au SAMU SOCIAL : ICI et version numérique sur toutes les plateformes e-book.

Propos recueillis par Eva Mazur.