HOLY FIELD, HOLY WAR
Réalisateur : Lech Kowalski
Caméra au poing !
Film de Lech Kowalski, cinéaste polonais engagé, peu connu bien qu’il ait déjà traité divers sujets d’actualité en utilisant sa caméra comme un outil de conscientisation pour son public. La présence du réalisateur lors de la projection parait d’importance. Néanmoins peu de personnes se sont déplacées pour lui…
Ce film intitulé « Holy field, Holy war », en V.O. sous titrée en français, a obtenu différents prix, alors qu’il ressemble plutôt à un documentaire. En fait, je pourrais presque dire que c’est, sous forme de film, un témoignage vivant d’un monde cachée au grand public européen. Lech Kowalski, en effet, non sans nous bercer de sons, d’images et d’interviews à propos d’un coin charmant de son pays natal, nous plonge sans transition dans la désagrégation rapide du tissu agricole.
En effet, alors que la population locale de ce coin de la Pologne de l’Est, tout près de l’Ukraine, vit à 60% de l’agriculture, des lobbies industriels étrangers envahissent les lieux distribuant leurs farines animales censées apporter le progrès. Ainsi, des porcheries gigantesques poussent comme des champignons avec leurs 20 000 cochons parqués à l’intérieur, traités comme des objets. Les conséquences néfastes, sous forme de lisier répandant alentour puanteur et pollution des nappes phréatiques, posent question aux paysans traditionnels, qui ne connaissaient pas encore cette curieuse modernité. Le spectateur ne peut s’empêcher de frémir en assistant impuissant à l’agonie d’abeilles ayant bu l’eau d’une flaque contaminée par des pesticides.
Mais pour la néophyte que je suis en matière de gaz de schiste, la suite m’a soumise à rude épreuve. Que pouvaient signifier ces piquets couronnés de jaune ou de rouge au milieu des champs ? Rien de mieux en fait que de signaler à une entreprise équipée de monstrueux camions l’emplacement de zones où faire vibrer le sol pour détecter ce gaz emprisonné à grande profondeur dans les roches ou de prévoir de futurs forages. Sous les yeux ébahis de la population locale, des files d’engins ont commencé à dévaster champs et chemins, comme des armées ennemies se croyant en terrain conquis, asséchant les sources, faisant se lézarder les maisons, sans la moindre considération pour les cultures et les propriétés privées!
Lech Kowalski nous fit alors, à travers ses images chocs, lire la surprise, l’incompréhension, le découragement même sur les visages burinés des paysannes et paysans locaux! Je me suis aperçue que je commençais à éprouver de la colère…
En finale, et c’était à mon sens le clou du film, nous avons assisté à la confrontation de deux mondes : celui de la firme américaine multinationale Chevron et celui des paysans rassemblés autour d’une femme représentant l’État. A mon grand soulagement, la population locale posa des questions pertinentes et gênantes en matière de sécurité et de pollution à des américains essayant de leur faire avaler des discours fallacieux. Quant à la représentante du pouvoir, on comprit très vite qu’elle penchait du côté des multinationales !
Ce film documentaire, comme l’a exprimé son auteur, a été fait pour nous ouvrir les yeux sur la collusion des puissants qui ne visent que le profit et pour nous rendre vigilants, solidaires, bien informés, afin de ne pas nous laisser exploiter ou abuser. Entre temps, avons-nous appris, les paysans de Pologne s’appuyant sur le film de Lech Kowalski et d’autres témoignages ont commencé à sortir de leur isolement, à s’organiser et à parler.
Sans tomber dans le travers des bons contre les méchants, il me semble que ce film a le mérite d’illustrer ce que nous constatons autour de nous : l’ancien monde basé sur le profit de quelques uns se lézarde peu à peu et le nouveau monde qui cherche à naître avec des valeurs de solidarité, de coopération et d’espérance est en marche dans les consciences. Merci le cinéma, outil comme l’écriture, le geste et la parole du réveil de nos énergies !
Lyliane
Publié dans VOS FILMS, VIDEOS et RADIO | Lien permanent