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27/12/2019

Présentation du "Green Deal européen " à Bruxelles et mobilisation des Verts pour l'écologie...

Alors que la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, présente son «Green Deal européen», le député européen Yannick Jadot et un collectif d'intellectuels réclament un sursaut et des vrais moyens pour l'écologie.
Tribune. Tout le monde en Europe parle désormais de Green New Deal. Tant mieux ! Mais il ne peut s’agir de demi-mesures. La mobilisation de l’Union doit être totale, pour combattre le dérèglement climatique et s’y adapter, et pour fédérer les Européens autour d’un projet qui nous réconcilie avec notre futur et entre nous. Cela implique d’y mettre enfin les moyens et d’accepter de changer les règles du jeu économique en Europe.
Incendies, inondations, sécheresses, canicules… le climat s’emballe. Ce qu’on prévoyait pour les générations futures percute déjà notre présent. Si l’avenir nous rattrape, c’est bien que le passé nous paralyse. Addiction aux énergies fossiles et aux pesticides, transition énergétique bridée, résistance du vieux monde… l’Europe et la France ne respectent toujours pas la trajectoire fixée par les scientifiques et l’Accord de Paris sur le climat. L’effondrement de la biodiversité n’inspire pas davantage les choix politiques.

Sur le front économique, l’Union européenne tourne au ralenti. La politique monétaire touche ses limites. L’atomisation du marché du travail bloque les hausses de salaires, y compris dans les zones de plein-emploi. La multiplication des accords de libre-échange accélère une mondialisation qui explose déjà les limites de la planète, organise la compétition de tous contre tous et accentue notre vulnérabilité géopolitique. La souveraineté économique de l’Europe est durement entamée, moins par le nationalisme économique de Donald Trump ou la montée en puissance de la Chine, que par notre incapacité à la penser et à la construire pour défendre, face aux menaces, un modèle de développement socialement et écologiquement responsable.
Enfin, les services publics sont en péril dans de nombreux pays. Les politiques de baisse des dépenses publiques, et en particulier celles des dépenses sociales, menacent directement l’éducation et la santé, mais aussi la justice, les transports et les politiques de solidarité. Une part croissante de la population est précarisée. La cohésion sociale, le vivre-ensemble et le pacte républicain s’affaissent. L’insécurité économique alimente partout la défiance politique, les replis identitaires et la droite populiste.

Choisissons résolument les renouvelables: Nous refusons cette perspective de déclin. Nous lui opposons le sursaut, la reconquête, en investissant massivement dans la transition écologique. Car gagner la bataille du climat nous permettra aussi de réduire les fractures sociales, territoriales et démocratiques qui déchirent nos sociétés. Les secteurs prioritaires sont connus de longue date. Tout d’abord l’isolation des bâtiments. Ils représentent dans notre pays 40% de la consommation d’énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre. Mettons le paquet sur les dizaines de millions de passoires énergétiques, dont plus de 7 millions en France. Le bénéfice social est immense, puisque 54 millions d’Européens souffrent de précarité énergétique. Ce sont des centaines d’euros de facture de chauffage économisées chaque année. Deux millions d’emplois en Europe, des centaines de milliers en France.

Choisissons résolument les renouvelables, moins chères que les tout autres énergies, créatrices d’emplois de qualité et de valeur ajoutée sur tous les territoires. Investissons dans les réseaux et les infrastructures des technologies de l’information, dans les transports collectifs du quotidien, pour réduire la dépendance à la voiture individuelle et mailler nos territoires. Densifions le réseau de trains européens, reconnectons toutes les capitales par des trains de nuit, favorisons massivement le fret ferroviaire…

L’Europe ne peut pas tout en matière de services publics mais elle peut – enfin ! – leur reconnaître un statut qui les protège des règles de la concurrence et elle peut investir dans les infrastructures. Elle doit soutenir un effort d’ampleur dans la construction et la rénovation de bâtiments scolaires, hospitaliers et dans le logement étudiant. Nous en avons les moyens. Il y a dix ans, l’UE a rapidement adopté un plan de sauvetage public de 5 000 milliards d’euros en faveur d’un système financier et bancaire irresponsable. . Sans d’ailleurs lui imposer les réformes indispensables. Ce que nous avons fait pour les banques, nous devons et nous pouvons le faire pour le climat, pour les services publics, pour l’emploi.

La politique agricole commune, c’est près de 60 milliards d’euros d’aides chaque année (9 milliards en France). Assez pour transformer en profondeur un modèle agricole qui maltraite les paysans, la terre, les animaux, notre santé et contribue à la destruction de l’Amazonie. Assez pour offrir aux paysans un revenu décent, pour repeupler nos campagnes et protéger la biodiversité et le climat.

Réorienter les 55 milliards d’euros annuels de subventions publiques aux énergies fossiles vers les renouvelables boosterait le déploiement de ces dernières. Verdir le budget européen et le portefeuille de la Banque européenne d’investissement (BEI) – les décisions récentes vont dans le bon sens —, taxer le carbone aux frontières de l’Union accélérerait substantiellement la transformation des modes de production en Europe.

Un point de PIB d’argent public supplémentaire: Mais même avec ces changements majeurs, le compte n’y serait pas. Les ruptures à engager sont lourdes et nous devons les accompagner socialement, pour les salariés et les citoyens, et économiquement, pour les secteurs en transition. Desserrons l’étau budgétaire. Il nous faut désormais consacrer aux investissements dans la transition climatique au minimum 320 milliards d’euros en plus chaque année au niveau de l’Union, soit 3 000 milliards d’ici 2030. Pour que ces investissements de long terme se fassent suffisamment vite, il faut qu’une part significative de ces montants soit d’origine publique. Même si la rentabilité de ces investissements est fragile, elle reste suffisante alors que l’Europe et la France peuvent emprunter à taux quasi nuls sur 30 ans.
Décidons de consacrer à ce Green New Deal 1 point de PIB d’argent public supplémentaire chaque année, soit 160 milliards d’euros, 24 milliards d’euros au niveau de la France. Soit une dépense publique additionnelle de 800 milliards d’euros pour les cinq ans qui viennent.

Pour mémoire, la Banque Centrale Européenne (BCE) a injecté, par la création monétaire qu’elle a opérée, 2 400 milliards d’euros dans l’économie de la zone entre 2015 et 2019 de façon totalement indiscriminée sur le plan environnemental. Cette politique a atteint ses limites. Sortons les investissements utiles du Green New Deal du calcul des déficits publics selon les règles de Maastricht : ce sont à coup sûr les plus rentables à terme qu’on puisse faire en Europe aussi bien au plan social, économique qu’environnemental. La BCE doit dorénavant en priorité garantir ou racheter des titres émis par la BEI, devenue Banque européenne du climat, pour prêter aux Etats, aux collectivités et aux acteurs privés afin d’accélérer la transition écologique et sociale.
Nous n’acceptons pas la perte de la souveraineté économique de l’Europe. Nous ne nous résignons ni à l’emballement climatique, ni à l’affaissement des services publics, ni à la montée des populismes. Le Green New Deal est une formidable opportunité et il faut en débattre partout en Europe car il ne pourra pas être défini d’en haut. Il doit être le projet des citoyens européens. Les jeunes manifestants du vendredi ne se contentent plus de promesses ou d’aveux d’impuissance, ils exigent une réponse sérieuse. Mettons-nous au travail.

Selon Daniel Cohen, Guillaume Duval, Yannick Jadot, Dominique Méda, Laurence Tubiana - Liberation - mercredi 27 novembre 2019
 

 

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