Je ne pensais pas avoir l'occasion d'écrire si vite au sujet du cancer qui m'a touchée il y a un peu plus d'un an. Je suis du reste, jusqu'en décembre 2017, en soins post-traitement (nommé anticorps) avec injections d'Avastin toutes les 3 semaines, afin d'éviter d'éventuelles récidives. Un long article dans la revue Alternative Santé du mois de mai 2017 de Mme Martine Pédron, ethnologue, réalisé avec le concours du Dr Naïma Bauplé et de Mme Vittoria Siegel, conseil en médecine nutritionnelle, m'a permis de trouver la motivation de le faire en tant que patiente.
J'ai tout d'abord été confrontée par cet article à la différence à faire entre besoins vitaux et désir, ce qui n'était pas évident pour moi au premier abord. En fait, je me sens complètement en accord avec la distinction faite ci-après: «Est besoin toute nourriture physique, émotionnelle, relationnelle, intellectuelle ou spirituelle, indispensable pour être en bonne santé, alors que le désir est une attirance pour quelque chose de non essentiel au maintien du sentiment de bien-être, entraînant un soulagement bref d'une tension intérieure suivi d'un sentiment de frustration plus grand encore».
Par intuition, j'ai presque exactement suivi cette distinction à faire de mes vrais besoins: nourriture saine, sans aucun sucre, allégée avant les chimiothérapies, liens amicaux et fraternels renouvelés, marches ou promenades dans une nature sans pollution, communication authentique avec tout mon environnement en me gardant des jérémiades ou de la pitié, respirations plus amples et conscientes, lectures apaisantes ou drôles, musiques ou films nourriciers pour l'âme, expérimentations réalistes et positives avec écoute de ce qui me fait du bien (acupuncture, massages, thérapie, compléments alimentaires) et chaque jour des prières adressées à mon ange gardien.
La première bonne pratique recommandée dans l'article concerne la joie de vivre. Effectivement cela a été et est encore ce sur quoi je veille jour après jour et fort patiemment. Après l'annonce du cancer qui bouleverse nos repères et nous tourne vers une mort proche potentielle, il y a une belle place pour un réveil de notre pulsion de vie. J'ai en effet constaté que vivre est différent de survivre ou de rêver sa propre vie. Nuit et jour, j'ai beaucoup écrit dans mon cahier, afin de faire sortir mes peurs et mes espoirs. J'ai aussi multiplié les séances de thérapie et trouvé de menus plaisirs à ma portée (chaise longue au soleil, mots croisés, livres audio à écouter, sorties courtes avec des proches même avec un turban après la chute de mes cheveux).
Restaurer l'estime de soi est la seconde bonne pratique recommandée par l'article. Je suis également bien en accord avec ce conseil. J'ai en effet regardé en face mes colères anciennes ou actuelles, mes stress, les souffrances intériorisées, les jugements posés sur mon être, bref tout ce qui m'avait conduite à me sentir inférieure, sans valeur ou faible en tant que femme. Me pardonner est encore en cours, car j'ai constaté que j'avais fait de mon mieux, même avec l'anorexie et mes révoltes contre une certaine forme de masculin. Cela n'a pas toujours été "un long fleuve tranquille" et j'ai même eu en début d'année un accès de panique! Toutefois, j'ai appris et je travaille encore à réveiller mon "animus", à faire des choix, à apprendre à dire de vrais non et de vrais oui. Je crois que cela m'a considérablement aidée à passer à autre chose. Car j'ai constaté que continuer d'écrire, de donner des cours, de me sentir utile et de recevoir des encouragements extérieurs m'a aidée à libérer des souffrances psychologiques, des névroses peut-être prisonnières de mes propres cellules.
Avec le troisième besoin essentiel, je suis plus nuancée. Il s'agit pour l'auteur de l'article «d'obtenir des réponses adaptées à ses questions». Si j'ai pu le réaliser extérieurement avec le personnel médical, en thérapie, j'ai surtout misé sur des réponses intérieures (par des méditations ou des ressentis corporels) à mes interrogations. J'ai également lâché prise à beaucoup de «pourquoi» qui avaient tendance à me culpabiliser. Sachant que je ne maîtrise plus rien et que je vis selon un protocole médical, je choisis de voir la beauté de l'éphémère dans les fleurs de mon jardin! Je préfère en effet travailler «l'acceptation de ce qui est» et le centrage sur l'instant présent. Je pense que cela a été une aide bénéfique jusque là et que ça l'est encore.
Enfin, le quatrième besoin invoqué: donner un sens à sa vie, me parle bien. J'accepte d'être limitée dans mes déplacements et mes projets, d'avancer pas à pas au jour le jour. Je mets au clair et révise peu à peu mes croyances sur la médecine, sur la nourriture, sur la santé, sur la souffrance, sur la mort... Je m'émerveille de tout ce que jusqu'ici j'avais, par ignorance ou manque de conscience, négligé. Tout autour de moi me pousse à la reconnaissance, à la gratitude d'avoir une seconde chance peut-être. Enfin, je me sais "aimée"...
Comme je me sens malgré tout parfois en sursis, j'ai à cœur de continuer à rester vivante, digne, confiante, engagée dans mon chemin de vie. Je voudrais vivre les années qui me restent avec paix et sérénité en équilibrant vie personnelle (écriture, famille, art, petits voyages, recherches en astrologie...) et ouverture aux autres par des rencontres, l'écoute, des relations d'aide quand et où je le peux encore.
La peur de l'inconnu et de l'avenir de l'adulte de 72 ans que je suis est contrebalancée peu à peu par un esprit d'enfance, une légèreté de l'instant quand la "grâce d'être bien" m'est donnée. Mon système immunitaire reste mon «enfant facétieux» à surveiller et ma colonne vertébrale fragilisée comme mon foie mes points de repère à chouchouter et à aimer... Je pense m'être, au moins en partie, réconciliée avec mon âme de petite fille ayant manqué de sécurité. C'est, il me semble, un assez beau chemin de résilience pour le moment. J'ignore si mon expérience vécue jusque là, résumée dans cet article, pourra être utile à quelqu'un. Elle est, quoi qu'il en soit, une sorte de balise sur mon parcours personnel.
Lyliane