C’est une force invisible. Dans le secteur de la toute petite enfance jusqu’à l’entrée des jeunes dans la vie active, des milliers d’enseignants, associations, éducateurs, œuvrent pour rompre les déterminismes qui assignent les élèves, en fonction de leur origine sociale ou de leur passé scolaire, à un destin pas toujours choisi. Alors que ce mercredi 13/11/2019 s’ouvrent les Etats généraux de l’éducation, rendez-vous auquel Le Parisien s’associe, voici cinq exemples d’initiatives qui font leurs preuves au quotidien.
Des SMS pour coacher les jeunes parents
Objectif : améliorer le niveau de langage des bébés pour leur donner plus de chances de réussir à l’école.
Comme toutes les bonnes idées, celle-ci paraît toute bête : depuis deux ans, l’association 1001 Mots prodigue des conseils d’éducation aux familles… par SMS. Dans les messages : des idées de jeux éducatifs ou de petites astuces, prodiguées par des orthophonistes chevronnées, qui ne nécessitent ni temps ni argent, mais permettent efficacement de développer le langage dès 6 mois.
« Les choses à faire ne sont pas très compliquées, mais encore faut-il les expliquer aux parents : lire les histoires en faisant des gestes, les chanter, parler aux bébés, peu importe dans quelle langue, pour favoriser leur développement neuronal, égrène Pierre Lefranc, le président de l’association. Les parents sont très heureux de recevoir ces messages, ils ont le sentiment qu’on s’occupe aussi d’eux. »
L’expérience a été menée cette année auprès de 700 familles dans le quartier de la Goutte-d’Or à Paris, à Trappes (Yvelines) et se développe actuellement dans le Loiret.
Des écoliers bien dans leurs baskets
Objectif : apprendre aux enfants à gérer leurs émotions.
Bien sûr, il faut apprendre à lire, écrire et compter. Mais ces connaissances « cognitives », disent les chercheurs, ne suffisent pas à fabriquer de bons élèves, et surtout, des enfants épanouis. « Les compétences sociales et émotionnelles sont tout aussi importantes et ne sont pourtant quasiment pas enseignées », relève Vanessa Duchatelle, chercheuse en économie et cofondatrice de ScholaVie.
Cette toute jeune association forme des professeurs des écoles pour qu’ils enseignent à leurs élèves l’art de reconnaître ses forces, gérer ses émotions, écouter l’autre… Dans certaines classes, les écoliers remplissent quotidiennement, à coups de petits mots, un « bocal de la gratitude ». D’autres se lancent chaque semaine un défi bienveillant : faire un compliment ou raconter un moment positif de sa journée.
L’association vient de monter un comité de suivi pour évaluer l’impact de ces séances. D’ores et déjà, note Vanessa Duchatelle, « des études anglo-saxonnes ont montré des effets positifs sur la santé des enfants, et leur réussite scolaire ».
Les futurs chanteurs d’opéra détectés
Objectif : recruter de jeunes artistes sur leur potentiel.
La détection, tous les footballeurs en connaissent le principe. L’Opéra-Comique de Paris a copié le concept. Chaque année depuis 2016, la vénérable institution pose ses valises dans une ville de banlieue, pour y entendre tous les enfants d’une classe d’âge et y dénicher les étoiles de demain. Peu importe leurs acquis, les jeunes sont recrutés sur la promesse de leur talent brut.
« On les teste sous forme de jeux, puis on propose aux familles de nous rencontrer », explique Sarah Koné, fondatrice du projet. « Il faut parfois lever des a priori sur le monde du spectacle, mais quand on dit aux parents que 100 % de nos maîtrisiens décrochent leur bac, cela lève les freins », remarque Olivier Mantei, le directeur de l’Opéra-Comique.
Au terme de la sélection, sept élèves (sur 300 vus au départ) deviennent des « enfants du spectacle ». Leur apprentissage artistique se fait directement sur les planches, à grande vitesse, en plus de leur scolarité. Depuis la rentrée, la Maîtrise populaire de l’Opéra a déjà participé à trois productions professionnelles.
Comme en entreprise, mais avec les copains
Objectif : permettre aux jeunes qui n’aiment pas l’école de se lancer dans le monde du travail. Une mini-usine dans une mini-école : tel est le principe des écoles de production./FNEP/Fabrice Lang
« Tu vois cet avion ? Dedans, il y a peut-être une pièce que j’ai fabriquée. » Ce collégien, si fier aujourd’hui de ses compétences en soudure, détestait l’école, et elle le lui rendait bien. Il a bifurqué après la 4e dans une école de production.
Dans ces structures hybrides entre le lycée professionnel et l’apprentissage, les jeunes apprennent un métier en fabricant de vrais produits, vendus au prix du marché à de vrais clients, exactement comme dans une entreprise. Mais cette mini-usine se niche dans une mini-école. Une classe de dix jeunes, chapeautée par un adulte qui leur apprend le métier, et cinq enseignants pour les matières générales.
« Entre 15 et 18 ans, les jeunes sont fragiles. Ce sont des homards sans carapaces, compare Dominique Hiesse, le président de la fédération des écoles de production. Cette structure les protège et, à la sortie, il y a cinq offres d’emploi pour chacun. » Le concept, qui vient d’obtenir une pleine reconnaissance de l’Etat, est en plein essor : 26 projets d’ouverture sont à l’étude et 33 écoles fonctionnent déjà.
3 jours pour aider les étudiants à trouver leurs envies
Objectif : aider les 16-30 ans à découvrir leur potentiel.La FabriK à DécliK permet à des jeunes d'horizons très différents de réfléchir à leurs envies./Arthur Péquin
Inspirée d’un programme québécois qui fait ses preuves depuis quinze ans, la FabriK à DécliK, créée par l’association Osons ici et maintenant, est une cure de confiance en soi. Une fois par an, à Bordeaux et à Lyon, une centaine de jeunes de 16 à 30 ans, issus d’horizons très différents, se rassemblent pour trouver leur envie. Moyennant une participation de 30 euros pour trois jours, ils écrivent des petits mots sur des pense-bête, font du sport, de la musique, discutent en cercle, assis, debout…
« La plupart ont 23 ans et bien souvent, c’est la toute première fois qu’ils ont l’occasion de réfléchir à leurs envies », remarque Soizic Lenoir, la cofondatrice de l’association. Elle croise « beaucoup de jeunes surdiplômés, qui ont suivi les étapes de la scolarité sans se poser de questions et qui, à la fin, ont perdu le fil. Ils ne savent plus ce qui les intéresse. » A l’issue du programme, beaucoup poursuivent leur route avec en poche, une ébauche de projet de métier, d’association, d’entreprise".
Selon Christel Brigaudeau - Le Parisien - mardi 12 novembre 2019