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05/05/2020

Les terroirs et leur intérêt en France...

Appréciés et revendiqués par le public, les terroirs font également l’objet d’enjeux dans une logique de mondialisation agricole portée par trois buts : faire du profit, tenter de nourrir tous les hommes, enfin, améliorer la qualité de la consommation.

Vieux mot utilisé pendant des siècles par les paysans, le « terroir » fait d’abord référence à la qualité intrinsèque des terres. S’y ajoutent les effets des conditions climatiques (position d’abri, ensoleillement) et topographiques (impact de la pente corrigé par des terrasses filtrantes, exposition).

Inscrit dans la filiation avec le pays, le paysage, le terroir référait au local, à la connivence séculaire entretenue génération après génération. Les terres arables furent longtemps travaillées et entretenues au rythme du pas du cheval, avec prudence.

Les marqueteries de terroirs conservées dans le Pays du Sel lorrain. Des prairies fauchées, puis des zones humides pâturées tardivement ; plus loin, des terres labourées sur les pentes faibles, du saltus qui a remplacé la vigne décimée à la fin du XIXᵉ siècle et, enfin, la lisière de la forêt. Cette diversité favorise le maintien de la biodiversité et crée une aménité des paysages. J.-P. HussonCC BY-NC-ND

Mosaïques productives

Transcrite dans les matrices cadastrales anciennes, la reconnaissance des qualités de sols relevait de l’expérience. Le terroir existait à une époque (en général avant 1960) où l’on utilisait peu d’intrants, peu de fumier, mais en ayant une conscience intuitive des bénéfices apportés par les objets connexes (haies, arbres épars, ripisylves).

Dans ce contexte, les sols de qualité – riches en humus bruns, à fine granulométrie et faisant bien percoler l’eau – formaient les meilleurs terroirs. Leurs performances étaient améliorées par les soins réguliers apportés.

Ils pouvaient être enrichis par des dépôts de lœss, voire l’apport du goémon sur l’arvor (le littoral) breton. En superposant la carte des lœss et celle des cathédrales gothiques, on voit que la fertilité des terroirs à blé francilien, picard et berrichon a facilité la construction du projet urbain en dégageant, dès le XIIIᵉ siècle, des surplus de récolte.

 
Le vignoble alsacien, étagé sur des pentes très raides. J.-P. HussonCC BY-NC-ND

À force d’avoir été remués et épierrés, les terroirs ont donné des sols faciles à travailler, même si les conditions initiales n’étaient pas toujours excellentes.

C’est le cas pour une multitude de vignobles de coteaux qui peuvent escalader des pentes fort raides, échelonnées en terrasses. Les terroirs évoqués dessinaient des mosaïques fines où la polyculture prospérait, accompagnée de productions spécialisées ; la garance fit ainsi la fortune du pays gersois au XVIIᵉ siècle ou encore la renommée de l’ail rose de Lautrec arrivée jusqu’à nous.

Le perdant des révolutions agricoles

Vers 1960, quand s’imposa la révolution agricole silencieuse débutée avec les Trente Glorieuses, le mot parut vieilli, obsolète. Cette réalité agraire entretenue depuis des siècles fut doublement malmenée.

D’abord, par la mécanisation et ses corollaires : le remembrement et l’essor de l’irrigation. Ensuite, avec l’apport massif des intrants organiques, minéraux, chimiques. La généralisation de ces apports permit l’envol des rendements. À titre d’exemple, le rendement du blé tendre est passé de 25 qx/ha. en 1960 à 65-75 qx/ha. actuellement.

La correction et l’amendement de quasiment tous les sols furent possibles. L’aventure conduite en Champagne crayeuse (dite alors « pouilleuse ») illustre cette transformation : après les pâturages ovins extensifs puis les reboisements en pins noirs d’Autriche du Second Empire, les plateaux furent métamorphosés par la grande culture céréalière.

Le paysage mosaïque à très grandes mailles de Champagne crayeuse. Le sol s’étend à perte de vue. Nourri d’intrants, il permet de pratiquer une culture très mécanisée en obtenant des rendements et une productivité élevés. Les bosquets ont ici presque tous disparus, de même que les éléments de biodiversité ordinaire. Jean-Pierre HussonAuthor provided

Le retour en grâce de l’authenticité

En partie tombé dans l’oubli, le terroir est désormais un objet agronomique réveillé. La profession agricole admet de plus en plus en effet la cohabitation de modèles productifs variés, voire opposés par les méthodes, les pratiques, les finalités… pourvu que de l’emploi soit préservé et que le territoire soit valorisé.

Désormais, des producteurs soutenus par les nouvelles exigences de la demande (produits de l’agriculture raisonnée, « bio », permaculture, vente par les AMAP, etc.) sont soucieux de se démarquer. L’objectif est de préciser l’origine, la traçabilité, la spécificité, enfin le savoir-faire qui accompagne l’élaboration de leurs produits.

Beaucoup se sont dotés de sites Internet pour mieux expliquer leur démarche, en présentant notamment l’exploitation comme un système bénéficiant d’une certaine autonomie. En cela, ils se démarquent de la standardisation imposée par les industries agroalimentaires, même si celles-ci revendiquent aussi la référence au terroir.

Dès lors, le terroir croise le souci de valoriser la biodiversité, qu’elle fut entretenue dans les paysages et les trames vertes et bleues ou encore exprimée par la défense conservatoire de races animales raréfiées ou d’essences arboricoles devenues confidentielles (avant 1914, il existait, par exemple, une centaine de sortes de mirabelliers en Lorraine).


 

Selon L'équipe de The Conversation France

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