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03/01/2021

Coût carbone et extraction des métaux...

Une récente étude tente d'évaluer l'impact et le coût carbone de l'extraction et du raffinage de 17 métaux employés notamment dans les technologies numériques et les énergies vertes.
Chaque mois, Libération creuse une thématique environnementale. Après la chasse, le ski, la biodiversité, la sobriété, le zèle de l’Etat face aux associations écolos, les manipulations du recyclage, cette semaine : les géants du numérique sont-ils aussi «verts» qu’ils le prétendent ?
 
On a tous en tête l’image, cliché, de ces mines à ciel ouvert avec des pelleteuses plantées au milieu d’énormes monticules de terres ocres à la recherche, on l’imagine, de métaux précieux. La consommation de ces ressources (tous types de métaux confondus), c’est désormais connu, explose avec le boom des technologies numériques et des énergies renouvelables : plus 250 % entre 1970 et 2017, d’après les chiffres de France Stratégie.
«A eux seuls, l’extraction et le raffinage des métaux sont à l’origine d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec toutefois des variations considérables», développe dans une étude l’institution gouvernementale. Elle a tâché d’évaluer la plus quantifiable des multiples conséquences négatives de ces activités d’extraction et de raffinage, à savoir l’impact carbone de 17 matières premières réparties en quatre catégories (métaux de base, d’alliage, précieux et high-tech). Cela s’inscrit dans le cadre d'«un objectif fixé par la Feuille de route pour l’économie circulaire initiée par le gouvernement en 2018». Des responsables des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont par ailleurs été récemment auditionnés par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental du numérique.

Le numérique est un gros consommateur d’aluminium, de certains aciers et de cuivre qui sert notamment «dans les réseaux de télécommunications fixes (réseaux DSL et réseaux coaxiaux), et pour assurer des fonctions de connexion électrique au sein de certains composants des équipements électroniques tels que les ordinateurs, les téléphones mobiles et les tablettes». Sur les 24 millions de tonnes de cuivre consommées dans le monde en 2017, «la part liée à la conductivité électrique du cuivre atteint quasiment 60 %, soit environ 11 millions de tonnes pour la génération, la distribution et la transmission d’électricité, et 3 millions de tonnes pour le sous-ensemble des équipements électriques et électroniques auquel le numérique appartient», précise un autre rapport de France Stratégie.
Des émissions de CO importantes

Si on se penche sur le bilan carbone, on trouve que «20 600 tonnes de CO sont émises pour une tonne extraite et raffinée de platine, 5 100 tonnes de CO pour une tonne d’or, quand l’acier ne consomme que 2 tonnes de CO et l’aluminium 17». Cependant en volume, «deux métaux concentrent l’essentiel des émissions : l’acier et l’aluminium produisent à eux seuls près des neuf dixièmes des émissions de CO des métaux étudiés» dans la première note. 
 
A titre d’exemple, pour la fabrication d’un smartphone, «une cinquantaine de métaux sont nécessaires, soit deux fois plus que pour un téléphone portable ancienne génération», estime l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie (Ademe) Dans e détail de répartition, ça donne : 80 à 85 % de métaux ferreux et non ferreux (cuivre, aluminium, zinc, étain, chrome, nickel…), 0,5 % de métaux précieux (or, argent, platine, palladium…), 0,1 % de terres rares et métaux spéciaux (europium, yttrium, terbium, gallium, tungstène, indium, tantale…) et 15 à 20 % d’autres substances (magnésium, carbone, cobalt, lithium…). «Bien que consommés en très faibles quantités, ces petits métaux et métaux précieux sont vite devenus indispensables, par leurs caractéristiques exceptionnelles, pour amplifier les performances de nos équipements», est-il encore souligné. Difficile de ne pas songer aux dix milliards de smartphones vendus dans le monde entre 2007 et 2018, et à Apple qui commercialise chaque année plusieurs modèles d’iPhone notamment.
Taxe aux frontières
 
Pour estimer un tel coût métal par métal, il a donc fallu calculer (en gigajoules) la dépense énergétique nécessaire pour extraire et raffiner chacun d’entre eux. Pour ce faire, France Stratégie s’est servie des données disponibles dans la littérature scientifique. «On calcule d’abord le contenu carbone du mix énergétique d’un pays [c’est-à-dire à partir des différentes sources d’énergies primaires consommées, ndlr] qu’on multiplie par tonne de métaux extraits. Une fois cette pollution CO calculée, on peut valoriser cette externalité négative et la faire payer», dans le cadre d’une éventuelle taxe carbone, explique Julien Bueb, auteur de l’étude. Reste à savoir quel prix appliquer.
Mais avant, il convient de connaître l’origine du produit. Etant donné le peu d’activités d’extraction et de raffinage en Europe, il pourrait être plus judicieux d’établir un ajustement carbone aux frontière (sorte de taxe basée sur un prix élevé donné au CO2), en fonction de la taille et du secteur de l’entreprise, souligne le spécialiste en économie de l’environnement et des matières premières. Pour ce qui est du montant, l’étude soumet deux propositions : une taxe entre 38 et 76 euros la tonne de CO à l’horizon 2020 au niveau mondial, comme le préconise la Commission Stern-Stiglitz ou un coût carbone de l’ordre de 250 euros la tonne d’ici 2030 au niveau national, selon les travaux de la commission Quinet. De quoi inciter les pays extracteurs et raffineurs de métaux à investir dans des techniques moins énergivores afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur. Un tel mécanisme d'ajustement aux frontières fait son chemin au niveau européen et pourrait aboutir mi-2021.

Selon Mme Aurore Coulaud- Libération