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26/03/2017

« Le fleuve Whanganui est devenu quelqu’un »

J’ai vécu plus de trente années dans le Yorkshire dans une maison au bord d’une rivière, la rivière Rye.  Mon mari, lui, avait grandi près d’une autre rivière, et il l’aimait d’un si grand amour qu’il avait donné son nom à l’un de ses livres, « The River Slea ».   Ces eaux incessamment mouvantes inondaient les champs alentours et parfois routes et chemins, devenant lacs, étangs.  Chaque été elles diffractaient et fluidifiaient inlassablement la lumière parmi les longues herbes et les saules, et sur leures rives des pêcheurs venus des villes le dimanche taquinaient truites et brochets dans le silence des prés alentours.  Pour mon mari la rivière était vitale, il y plongeait parfois même en hiver, et  elle était aussi devenue pour moi un être vivant, aimé.  Et puis… les prairies des fermiers voisins avaient été mises en culture, les engrais et autres avaient pollué les eaux, truites et pêcheurs avaient disparu.  Mais un écologiste, nouvel arrivant dans le village, s’était battu pour l’assainissement et la protection de nos rivières dans notre petit coin du monde et gagné des batailles même au Parlement britannique.  Des cygnes étaient revenus sur ces eaux.

C’est donc avec allégresse que j’ai lu dans Le Monde du 21 Mars 2017 un article signé de Caroline Taïx, racontant que le Parlement néo-zélandais avait accordé au fleuve Whanganui qui coule sur 290 kilomètres  dans l’île du nord une personnalité juridique.  L’événement a été célébré par des dizaines de Maoris venus assister au vote de la législation.  Leurs ancêtres se battaient depuis 1870 pour que ce statut soit accordé au fleuve.  Le ministre de la justice a dit que « cette législation est la reconnaissance de la connexion profondément spirituelle entre (la tribu) Whanganui et son fleuve ancestral ». Un des députés, maori lui-même, a cité un adage maori « Je suis la rivière et la rivière est moi ».  La loi a « embrassé la relation des Maoris à la terre et renversé l’idée d’une souveraineté humaine » a dit la directrice d’un centre de recherche maori.

Quelle grâce pour l’humanité que des peuples autochtones soient ainsi toujours profondément en contact avec la vie de la terre, et quelle autre grâce qu’il y ait des gouvernements capables de le reconnaître dans leur loi !  

Je me suis souvent affligée de ce que dans le passé le Christianisme ait été utilisé pour justifier la colonisation, l’exploitation de la terre et des hommes.  Je me réjouis de ce qu’aujourd’hui des mises au point soient faites.  Quand la Genèse dit que l’homme a été invité à « cultiver et garder » le jardin du monde, nous rappelle l’encyclique Laudato si du Pape François, « garder » « signifie protéger, sauvegarder, préserver, soigner, surveiller » - ce que font les peuples maoris…  « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit » dit un message de Dieu dans le Lévitique, « car la terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes ».  Et le nouveau Catéchisme rappelle que « les différentes créatures, voulues en leur être propre, reflètent, chacune à sa façon, un rayon de la sagesse et de la bonté infinie de Dieu.  C’est pour cela que l’homme doit respecter la bonté propre de chaque créature… » (Laudato si, pp.51 et 53).  La bonté propre de chaque rivière…

 

Mais peut-être les signes de notre évolution se multiplient-ils ?  Valérie Cabanes, aussi citée dans l’article du Monde, auteure d’Un nouveau droit pour la Terre (Seuil, 2016) écrit que « La reconnaissance des droits de la nature est en pleine évolution dans le monde ».  Elle évoque des exemples en Equateur et en Bolivie – et même dans des comtés des Etats Unis.

Je rends grâce.

Nicole