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02/12/2020

Le Carrefour d'Ormesson met le client au centre...

En crise de croissance, le distributeur a sorti son joker : un directeur France obsédé par le consommateur et adepte d'une méthode éprouvée ailleurs.
Depuis quelque temps, il se passe des choses étranges au Carrefour d'Ormesson, dans le Val-de-Marne. A peine arrivé, le visiteur n'a pas le temps de sortir son désinfectant qu'un vigile lui en tend déjà. Et, à l'entrée, il croise le directeur qui y a installé son bureau avec, affichés en gros, son adresse mail et son numéro de téléphone. Quant aux caissières, à la moindre réclamation, elles dégainent un carnet pour les noter. Derrière ces changements se trouve un homme, costume cintré, regard d'un azur déterminé, qui arpente, ce 19 septembre, l'hypermarché d'un pas pressé : Rami Baitiéh, en juillet, il a été nommé directeur de Carrefour France. Dans la matinée, il diffusait son adresse mail sur le site de l'entreprise. Façon de dire aux clients : écrivez-moi. Et aux directeurs de magasins : faites comme moi. Trois semaines plus tard, le Carrefour d'Ormesson testait sa méthode centrée sur la satisfaction client, le « 555 ».

Avec ses vingt-cinq ans de maison, Rami Baitiéh est le dernier joker d'Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour depuis juillet 2017. Débauché de Fnac Darty par Bernard Arnault et la famille Moulin, actionnaires référents du distributeur, pour en doper le cours de Bourse, l'énarque a fixé un cap sur le mieux manger, redressé la rentabilité, rattrapé le retard dans le digital. Mais, malgré un repli à l'international, notamment en Chine, l'action ne redécolle pas. Car, en France, premier pays du groupe avec 34,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Carrefour souffre. En cinq ans, sa part de marché a chuté de 1 point, selon Kantar, soit 900 millions d'euros de ventes. Alexandre Bompard a beau rétorquer que le distributeur a « orchestré une partie de cette baisse en réduisant les surfaces et les assortiments, et en diminuant les prix » , il reste un problème à résoudre urgemment, celui des hypermarchés. « Quelle que soit l'enseigne, ce format est compliqué, car en perte de vitesse » , rappelle Frédéric Valette, directeur du département retail à Kantar Worldpanel. Or, à Carrefour France, ces grandes surfaces pèsent encore plus de la moitié des ventes. Alors, comment y attirer de nouveau les consommateurs ? Lancer une guerre des prix ? Casino s'y est cassé les dents dans le passé face à Leclerc, dont la structure coopérative est moins coûteuse et plus réactive. Non, Alexandre Bompard a un autre plan : celui de tout miser sur la satisfaction client.
Relances économes

Pour mener cette bataille, la méthode « 555 » développée par Rami Baitiéh offre plusieurs avantages. D'abord, elle a fait ses preuves dans plusieurs filiales. A son arrivée à Carrefour, Alexandre Bompard visite Taïwan. Il découvre, emballé, que le directeur Rami Baitiéh a relancé cette filiale composée à 95 % d'hypermarchés, en misant sur la sécurité alimentaire, cruciale dans ce pays. Il bombarde alors le Franco-Libanais à la tête de l'Argentine, pays en crise, où les pertes annuelles atteignent 100 millions d'euros. L'expatrié réduit les stocks, élimine les ruptures de produits. Les comptes repassent au vert. Le voilà nommé à la tête de l'Espagne, où il fait à nouveau des miracles. « A chaque fois, une croissance significative a été au rendez-vous » , se vante Rami Baitiéh. Sans faire exploser les dépenses. Car le « 555 » est aussi économe. Pas de grosse campagne marketing ni d'importants investissements. « A Taïwan, il avait transformé les hypers sans trop dépenser, en mettant du bio, un rayon papeterie qui était l'équivalent de Muji, et un rayon sport équivalent à celui de Decathlon » , applaudit Philippe Houzé, président du groupe Galeries Layette et administrateur à Carrefour. Enfin, la méthode est simple. Elle liste 15 préceptes adaptés à chaque territoire .
En France, le premier volet concerne la confiance, incarnée par des prix bien étiquetés, des promotions claires ou encore des marques propres irréprochables. Deuxième axe : le service, en chassant les irritants. Chaque jour, les réclamations notées par les caissières sont compilées. A 19 heures, le patron technophile convoque ses équipes sur WhatsApp pour examiner ces remontées du terrain, et les traiter. Troisième sujet :l'expérience. « Dès qu'un client porte plus de deux articles, il faut lui proposer un panier, rappelle-t-il . On peut aussi offrir des fruits aux enfants, installer un panier de basket pour les ados… Et toujours dire bonjour » , ajoute ce diplômé de l'ESC Compiègne aux salariés du magasin, réorganisés en trois équipes.

30 hypers en test

La première réceptionne et trie les palettes. La deuxième gère la réserve et les stocks pour éviter les ruptures. La troisième scrute, en rayon, les dates de péremption dépassées et les emplacements vides. Avantage de cette organisation ? Elle limite le nombre d'employés en réserve pour augmenter ceux à disposition des clients. Inconvénient ? La CGT y voit « un retour au taylorisme ». Rami Baitiéh, lui, assure, que « ce projet responsabilise les équipes et ne prévoit pas de diminutions d'emploi ». Pour embarquer les 105 000 collaborateurs de Carrefour France, ce manager iconoclaste prêche du matin au soir l'obsession du service, en magasin, au siège du groupe, sur WhatsApp, où il répond à chaque collaborateur, envoie des smileys, et encourage. En France, 30 hypers testent le « 555 ». « Les clients verront le changement en quelques mois » , assure Rami Baitiéh. A Ormesson, le taux de satisfaction a déjà bondi de 20 % à 50 %.
POIDS LOURD EN FRANCE:

34,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

5 278 magasins, dont 248 hypermarchés.
105 000 collaborateurs.

SOURCE : SOCIÉTÉ.
Les fondamentaux de la méthode « 555 » en France
LA CONFIANCE

1. Le prix est toujours clair, exact et bon.

2. Les fruits et légumes sont toujours frais et ont bon goût.
3. La marque propre Carrefour est mise en avant, étant la meilleure du marché.

4. Les promotions sont claires et il n'y a pas de rupture.
5. Les livraisons/retraits e-commerce sont complets et effectués rapidement.
LE SERVICE

1. Les réclamations sont toujours résolues.

2. L'équipe est toujours dans le magasin et au service du client

3. Pas d'attente en caisse, ni à l'accueil.

4. Le magasin est toujours entretenu et agréable.
5. Le client trouve toujours les produits dont il a besoin.
L'EXPÉRIENCE

1. Le client est la personne la plus importante de notre journée, lui dire toujours oui.

2. Le client circule facilement dans le magasin et trouve rapidement ses produits.
3. Les familles donnent leur préférence à Carrefour.

4. Les produits locaux et transition alimentaire sont disponibles et mis en avant.
5. Le client est reconnu et sa fidélité, récompensée.

Selon Mme Claire Bouleau - Challenges - dimanche 11 octobre 2020