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10/06/2015

A propos du déracinement...

 

Toute personne possédant un grand jardin avec des arbres connaît les soins à donner à un arbre jeune que l'on souhaite faire enraciner dans son terrain. L'emplacement choisi, il ne suffit pas de mettre l'arbre en terre et de l'oublier. J'ai remarqué personnellement qu'il faut de nombreuses années et un entretien attentif (eau, taille, engrais …), pour qu'un jour l'arbre soit tout à fait bien enraciné, qu'il puisse fleurir et donner des fruits.

 

Quant à déplanter un arbre qui ne nous semble pas à sa place et à vouloir le faire pousser ailleurs, c'est assez risqué et cela ne marche pas à tous les coups. J'ai déplacé ainsi un oranger il y a presque 20 ans car il était trop près de la maison. Depuis tout ce temps, il végète et il ne se développe pas très bien comme si le nouvel emplacement ne lui convenait pas. Par contre, deux grands arbres (un cyprès et un araucaria) plantés jeunes à proximité l'un de l'autre, ce qui ne devrait pas être selon des jardiniers, paraissent se plaire ensemble et ont curieusement emmêlé leurs racines...

 

Moi même, je suis issue d'un couple franco - italien et j'ai ressenti, à travers la vie de mon père et mon enfance notamment, ce qu'il en coûte d'être différent des autres. J'ai expérimenté également le vide qui existe en soi, lorsqu'on ne connaît pas l'ensemble des racines familiales et culturelles de sa lignée... Aussi je pense assez bien pouvoir comprendre ce qui se passe avec des enfants, des jeunes venus d'ailleurs ou arrachés à leur foyer d'origine pour différentes raisons.

 

Que ces enfants aient fait l'objet d'un placement suite à un abandon, un décès ou de la maltraitance, qu'ils soient issus de l'immigration et de ce fait coincés entre plusieurs cultures, qu'ils aient dû fuir leur pays d'origine en proie à la misère ou à la guerre, la plupart mettent du temps à s'enraciner ailleurs. Les psychologues travaillant auprès de l'Aide Sociale et de l'Enfance estiment que, sans liens familiaux solides, ces enfants manquent de structure psychique pour se construire. A nous peut-être de leur proposer des racines complémentaires (foyers d'accueil, grands parents, oncles et tantes, voisins, enseignants bienveillants... ) et de les aider à retrouver par eux mêmes d'autres racines. Faute de soins vigilants et d'attention, ils risquent de chercher à combler leur manque de repères par des incivilités, des provocations, voire de plus grosses bêtises. Ils trouveront alors en face d'eux la police, la justice, bref les éléments les plus répressifs de notre société...

 

Les conflits identitaires actuels que nous connaissons en France, attisés par une forme de "racisme ordinaire", prennent à mon sens leur origine dans la crise des familles, le déracinement de certains jeunes perdus entre deux mondes, sans lien avec leurs ancêtres, méconnaissant leur passé culturel. Pour se connaître en effet, pour s'aimer en tant que sujet et trouver son chemin dans la vie, il convient généralement de s'inscrire dans une continuité d'histoire, un milieu positif façonné par les lignées précédentes...

 

Nos sociétés sont devenues multiculturelles et notre économie est aujourd'hui mondiale. Aussi soyons réalistes et ne rêvons pas à d'éventuels retours en arrière! En y mettant notre attention et notre bonne volonté, pourquoi n'arriverions nous pas à favoriser l'enracinement chez nous de ceux qui manquent de repères? Non seulement ils ont droit à une place honorable dans nos sociétés occidentales, mais ils pourraient bien les enrichir, les rendre plus ouvertes et tolérantes!

 

A l'image des deux arbres de mon jardin, bien que d'essence différente, qui grandissent ensemble et sont arrivés à mêler harmonieusement leurs racines, ne pourrions nous imaginer un futur où ces questions seront prises en compte positivement et arriveront à donner de beaux fruits? Nous parlerions peut-être alors de "retisser des racines" et nous y emploierions nos meilleurs soins. Dans cet espoir...

 

Lyliane