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26/11/2020

Ruralité: Eleveurs bio contestés par leurs voisins...

C'est un peu l'histoire du pot de terre contre le pot de fer. À Adainville, village de 760 âmes situé aux confins du département, la tension est à son comble.
D'un côté, un couple d'éleveurs qui souhaite installer un haras et un petit cheptel de vaches, en agriculture biologique. De l'autre, une poignée de riverains, dont l'éditrice Odile Jacob, qui tient à conserver une certaine quiétude dans ce petit coin de campagne. L'histoire pourrait bien devenir l'un des symboles de la dualité d'une certaine ruralité francilienne.
Fabien Le Coidic et sa compagne Agathe Guérin louent actuellement une ferme sur la commune voisine de Poigny-la-Forêt. Problème : les deux quadragénaires doivent quitter les lieux d'ici le mois de mars au risque de se voir infliger de lourdes pénalités. Or voilà près de dix ans qu'ils sont à la recherche de nouvelles terres
43 ha à Adainville, une opportunité en or
Alors quand la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), qui aide les professionnels à s'installer, leur délivre récemment le droit d'acheter 43 ha à Adainville, le couple saute logiquement sur l'occasion.
« On était dans les clous pour le permis de construire. On a fait en sorte que notre projet colle avec le plan local d'urbanisme », raconte Agathe. Entre des terrains a chetés 300 000 euros et un projet d'urbanisme à 700 000 euros, l'enjeu financier est de taille pour le couple. Mais rapidement, les deux agriculteurs doivent faire face à une opposition farouche en provenance de trois maisons voisines.
L'éditrice Odile Jacob au premier rang des opposants
« Ce n'est pas une exploitation agricole comme une autre. On parle d'un haras où il va y avoir beaucoup de passages, des constructions. Cela suppose une profonde transformation des lieux », argumente l'avocate Corinne Lepage, qui représente Odile Jacob et son mari Bernard Goetlieb dans cette affaire. « Quand on dit que Madame Jacob a un problème avec le monde agricole, ce n'est pas vrai », assure l'ancienne ministre.
La municipalité a bien tenté de calmer le jeu en évoquant « un projet à taille humaine ». En vain. « Il faut se rendre compte qu'on a reçu des présentations de projets qui auraient pu être moins confortables pour les habitants du village, explique le maire Jean-Marc Raimondo (SE). Demain, si le projet est rejeté, la préfecture peut très bien décider d'installer une aire de grand passage. On n'aura pas notre mot à dire ».
Fabien et Agathe ont de leur côté fait certifier leur cheptel et leurs terres en bio. Ils élèvent une douzaine de vaches issues d'une race menacée, la « Bretagne Pie Noire ». « Je suis loin de l'élevage intensif, c'est d'ailleurs tout le contraire, assure Fabien. Je ne pensais pas être accueilli comme ça, surtout en arrivant avec un projet bio et écolo ».
Une tentative vaine de consensus
Une réunion de concertation a été organisée entre les différentes parties sous la houlette de la sous-préfecture de Mantes-la-Jolie. Là encore, sans résultat.

« On a été tous extrêmement déçus et surpris par l'absence de prise de conscience de la part des opposants, confie l'élu. Ils jouent sur leur position intouchable et sur leurs relations pour faire fléchir un pauvre petit maire de village ».
Bruno Millienne, le député MoDem de la circonscription, présent ce jour-là autour de la table, dit lui aussi son agacement : « On parle d'un élevage bio d'une race bovine en voie de disparition. Le projet est légal de A à Z. Une partie des opposants n'est sur place que 150 jours par an, essentiellement le week-end. Il faut qu'ils comprennent qu'ils sont dans un milieu rural et agricole, ce sont à eux de s'adapter à l'environnement ».
Dans un souci d'esthétique et d'apaisement, le projet a légèrement été modifié. Les bâtiments vont être construits en bois, à l'opposé des habitations. Précisément à 450 m de la première maison.
Toujours insuffisant pour les voisins. Il y a une semaine, les deux recours gracieux déposés contre le permis de construire sont tombés à échéance. « On n'a eu aucune réponse du maire, ce qui équivaut à un refus », précise Corinne Lepage qui s'apprête à déposer un autre recours dans les prochains jours.
Deux visions de la ruralité opposées
Pour le monde agricole, les péripéties du couple d'éleveurs relève de « l'incompréhension ». « Finalement ce sont deux visions de la ruralité qui s'opposent frontalement, estime Thomas Robin, vice-président de la chambre d'agriculture d'Ile-de-France en charge des Yvelines. Certains considèrent la campagne comme un lieu de villégiature où il fait bon se reposer. Il va un jour falloir une cohérence entre les attentes des consommateurs qui veulent des produits locaux issus du circuit court et la réalité pour les mettre en œuvre ».
« Il y a un vrai message à faire passer, conclut le maire d'Adainville. Il faut soutenir ce genre de projet si on ne veut pas voir mourir nos villages dans les années futures ». On dénombre actuellement quatorze élevages de bovins bio en Ile-de-France, dont quatre dans les Yvelines.

Selon Mme Virginie Wéber - Le Parisien - jeudi 8 octobre 2020

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