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25/11/2020

La France va devoir se justifier à propos du climat...

La justice française a donné jeudi trois mois à l'Etat pour justifier de ses actions en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, une décision "historique" pour les défenseurs de l'environnement.
Le Conseil d'Etat avait été saisi en janvier 2019 par la commune de Grande-Synthe, dont le maire écolo Damien Carême (élu depuis député européen et qui a donc quitté son mandat) estimait sa ville, située sur le littoral du Nord, menacée de submersion par "l'inaction climatique" du gouvernement.
Il s'agit du premier contentieux climatique à arriver devant la plus haute juridiction administrative française. Les juges n'ont pas tranché sur le fond, mais estimé que l'Etat -qui avait argumenté par écrit pour un rejet pur et simple de la demande- devait justifier que ses actions étaient bien compatibles avec les objectifs qu'il a lui-même fixés à la France en matière de limitation des émissions responsables du réchauffement climatique. Ils ont notamment relevé que l'Etat s'était fixé une baisse de 40% des émissions en 2030 par rapport à leur niveau de 1990, dans ses "stratégies nationales bas carbone" (SNBC, dont la dernière remonte à avril 2020).
Des objectifs pour mettre en oeuvre l'accord de Paris visant à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l'ère pré-industriellle, conclu sous l'égide de la France et dont le cinquième anniversaire tombe le 12 décembre prochain.
- Budgets dépassés -
Or les "budgets carbone" d'émissions des SNBC successives ont toujours été dépassés, comme l'ont notamment montré les rapports du Haut Conseil pour le Climat, dont les juges rappellent qu'il a "souligné les insuffisances des politiques menées pour atteindre les objectifs fixés". L'Etat a d'ailleurs en conséquence revu ses objectifs à la baisse, rappellent les juges.
Fort de ces constats, le Conseil d'Etat demande au gouvernement de justifier la "compatibilité avec la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre" de son objectif pour 2030.
Les juges ont ainsi suivi les recommandations du rapporteur public, qui estimait lors de l'audience du 9 novembre qu'au vu de "l'urgence climatique", les législations ne pouvaient avoir "un objectif uniquement programmatique, mais bien contraignant".
"Renvoyer les requérants à 2030 ou 2050 pour voir si les objectifs sont atteints vous conduirait à participer à cette tragédie" climatique, car "le risque existe que tout retard soit irréversible", avait-il argumenté.
- "Jolis engagements" -
En le suivant, le Conseil d'Etat a pris "un arrêt qui me parait historique", a salué Corinne Lepage, avocate de la commune de Grande-Synthe et ancienne ministre de l'Ecologie. "Le Conseil souligne que l'Etat a des obligations non pas de moyens mais de résultats. (...) Les politiques ne doivent pas être seulement de jolis engagements sur le papier".
Une avancée également saluée par Hugues Hannotin, avocat du regroupement d'ONG "l'Affaire du siècle", qui ont elles aussi engagé une procédure contre l'Etat pour inaction climatique et s'était jointes comme "intervenants" à la procédure de la municipalité nordiste, tout comme les villes de Paris et Grenoble. "L'Etat va devoir rendre des comptes, les lois de programmation ne sont pas seulement pour la galerie."
"Décision historique: l'Etat doit respecter ses engagements pour le climat (et) devra également justifier des moyens qu'il met en oeuvre", s'est félicité sur Twitter "l'Affaire du siècle", soutenue par une pétition de 2,3 millions de citoyens, alors que Greenpeace France a tweeté un grand "BOOM!".
Le gouvernement "prend acte", a réagi le ministère de la Transition écologique, "qui répondra évidemment à cette demande, qui n'est pas un jugement sur le fond mais une demande de preuves d'action". Et de défendre sa "politique offensive" contre le réchauffement, citant notamment les "30 milliards" du plan de relance affectés à la "relance verte", ou la future loi traduisant la Convention citoyenne pour le climat, qui "doivent permettre à la France d'atteindre les objectifs climatiques fixés".
Pour Marta Torre-Schaub, enseignante à l'université Panthéon-Sorbonne et auteure d'un récent livre "Justice climatique, procès et actions", la décision de jeudi "représente vraiment une avancée, même si l'histoire n'est pas finie". "Les juges demandent à contrôler l'action et que l'Etat montre qu'il a bien aligné ses politiques réglementaires sur les engagements pris par la France."
Selon AFP - AFP - jeudi 19 novembre 2020

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