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06/11/2020

Nicolat Hulot s'insurge contre la réintroduction des néonicotinoïdes...

L'Assemblée nationale s'empare lundi du projet de loi controversé permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes pour préserver la filière betteraves, en dépit de la ferme opposition du camp écologiste et de certains dans la majorité. Jean-Charles Colas-Roy, le Monsieur environnement de La République en marche (LREM), a ainsi annoncé qu'il ne votera pas le texte lors du scrutin prévu mardi. Dans Le Journal du dimanche, Nicolas Hulot, l'ancien ministre de la Transition écologique d'Emmanuel Macron de 2017 à 2018, s'oppose à la prolongation de l'usage de ces pesticides.

Les députés voteront mardi une dérogation permettant l'usage des néonicotinoïdes, interdits en 2016. Que leur dites-vous?
J'appelle les députés à ne pas voter cette loi. Prolonger l'usage des néonicotinoïdes pour la filière de la betterave, alors que leur interdiction a été votée en 2016, ce n'est pas une solution, ce n'est pas constructif, ce n'est pas prospectif. Le secteur de la betterave est depuis longtemps en difficulté pour des raisons structurelles. On se retrouve dans une de ces situations où les perdants seront des deux côtés : abeilles et agriculteurs. C'était déjà pareil pour le glyphosate. L'État se fixe des objectifs ambitieux, mais ensui
te, il ne fait pas grand-chose pour les atteindre.
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Le problème ne vient pas de chez Barbara Pompili, mais des autres ministères
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Y compris vous-même, quand vous étiez ministre?
Le secteur de la recherche, notamment avec l'Inrae, comme le secteur agricole, n'ont pas bougé depuis que la loi a été votée. Si le ministère de l'Agriculture et celui de la Recherche ne donnent pas les moyens pour accompagner l'évolution en profondeur de l'agriculture et sortir de la dépendance aux pesticides, nous n'y arriverons pas.

 Réintroduction des néonicotinoïdes : la betterave est toujours un champ de bataille
Pourquoi refuser cette prolongation?
Les néonicotinoïdes sont des pesticides, dont certains sont 7.000 fois plus toxiques que le DDT. Toute la littérature scientifique le montre. On trouve des résidus dans les cours d'eau et dans les sols et cela détruit la biodiversité, en premier lieu les insectes et les abeilles. Or le travail de pollinisation des abeilles pour l'agriculture est absolument irremplaçable. À l'échelle du monde, la valeur écosystémique du travail des abeilles, c'est l'équivalent de 153 milliards d'euros par an.

Sans dérogation, 46 000 emplois seraient menacés. Que faire?
Réautoriser les néonicotinoïdes n'est pas la solution. Et on ne peut pas laisser ce secteur au bord de la route. Il faut donc les aider, tout en ayant une vision de plus long terme. Ma fondation a estimé les pertes pour cette année à 77 millions d'euros pour les betteraviers. Indemnisons-les en échange de la mise en place de pratiques : allongement des rotations, réintroduction des haies… Idem pour l'industrie sucrière : il faut fixer des contreparties en matière d'emploi et de transition pour un secteur qui va déjà mal. Nous ne nions pas le problème, mais on ne découvre pas non plus cette situation.

Barbara Pompili, qui vous ­succède, estime que cette dérogation est la seule solution 

pour sauver la filière… Barbara Pompili est confrontée à la complexité de la décision. Je ne lui jette pas la pierre. J'ai été dans des situations identiques en ayant à gérer des injonctions contradictoires. Je comprends tellement les difficultés qu'elle rencontre… Le problème ne vient pas de chez elle, mais des autres ministères. Y a-t-il, quelque part, une vision qui émerge sur une nouvelle politique agricole? Je la cherche désespérément. Pourtant, il n'y a jamais eu autant de paramètres réunis pour faire muter l'agriculture française : il y a une demande sociétale de produits de qualité et de proximité. Et nous avons aussi ce fantastique levier de la restauration collective. La politique agricole commune ­représente 50 milliards d'euros par an au niveau européen. C'est notre argent. Chaque euro doit faire jaillir le modèle de demain. Si le bio avait eu autant d'aides que l'agriculture conventionnelle, aujourd'hui, il serait accessible à tout le monde.
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Y a-t-il ­besoin de se précipiter dans le "toujours plus", "toujours plus vite" au risque de ne plus savoir où l'on va?

Le plan de relance n'est-il pas une bonne nouvelle pour l'écologie?
Il y a du mieux. Les choses ne peuvent pas être pires que quand j'étais là… Il y a des avancées sur la rénovation des bâtiments, sur l'hydrogène, si toutefois il est produit à partir d'énergies renouvelables et utilisé pour certains secteurs. J'avais obtenu péniblement un plan hydrogène de 100 millions d'euros qui avait finalement été retoqué. Là, le plan se compte en milliards. Mais ce qui est prévu pour le modèle agricole n'est pas du tout suffisant. Dans ce plan de relance, il y a 30 milliards pour l'écologie, mais il faut aussi regarder comment seront dépensés les 70 autres milliards : est-ce que chaque euro est conditionné à des engagements des entreprises dans le domaine de la transition écologique? La question, c'est : est-ce qu'on en fait assez?
 Prix, mafia, faux certificats : enquête sur "les imposteurs du bio"
Êtes-vous favorable à la 5G?
Rien ne nous empêche de prendre le temps, d'évaluer les impacts et la nécessité d'aller plus vite dans le numérique. Y a-t-il ­besoin de se précipiter dans le "toujours plus", "toujours plus vite" au risque de ne plus savoir où l'on va? Par ailleurs, le monde numérique est excessivement toxique en matière d'impacts climatiques. Donc tout cela mérite un temps de pause. Ce serait le signe d'une démocratie saine.

Emmanuel Macron a comparé les opposants à la 5G à des Amish…
Cette formule n'était pas utile. Se moquer des écologistes et de l'écologie, c'est oublier que sur beaucoup de sujets, ils ont souvent eu raison. La modernité, ce n'est pas d'être aveuglé par le succès de la technologie. Reconnaissons que l'écologie est le sujet central du XXIe siècle. Au moment où l'Amazonie est en feu et où la banquise fond comme neige au soleil, un peu d'humilité ne ferait de mal à personne.

 Selon Arthur Nazaret - leJDD - samedi 3 octobre 2020

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