C'est loin d'être une surprise, mais l'écart reste édifiant. D'après un rapport, publié lundi par l'association Oxfam sur la façon dont les entreprises du CAC40 ont investit leurs profits entre 2009 et aujourd'hui, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté trois fois plus vite que les salaires et cinq fois plus vite que le Smic. Ainsi, l'association pointe du doigt l'injustice dans la répartition des richesses des grandes entreprises françaises et notamment un fossé qui, s'il se réduit avec le temps, reste important : le retard sur la parité femmes-hommes dans le monde du travail, notamment au sein de ces grandes sociétés.
Une sous-représentation des femmes à la tête des grandes entreprises
Sur ce point, le constat est sans appel. Actuellement, une seule femme est à la tête d’une entreprise d’une entreprise du CAC 40, relève Oxfam. Il s'agit d'Ilham Kadri, PDG de l’entreprise belge Solvay. Jusqu’à récemment, une autre femme – évincée depuis – occupait un poste de directrice générale : Isabelle Kocher, à la tête du géant de l'énergie Engie.
Au-delà du CAC 40, cette tendance se reflète dans les grandes entreprises. La proportion de femmes dirigeant une entreprise du SBF120 (Société des bourses françaises) est en France de 2 %, alors qu'elle est 6 % au Royaume-Uni et de 8 % aux États-Unis. "C’est la traduction d’un véritable plafond de verre pour les femmes, victimes de discriminations tout au long de leur carrière et de préjugés sur leur soi-disant manque de leadership : elles sont perçues comme moins compétentes et aptes à diriger. Leur faible présence à la tête des entreprises ne fait qu’alimenter ce stéréotype", souligne Oxfam. Bref : un cercle vicieux.
Un point positif tout de même : la France est le premier pays au monde en termes de nombre de femmes dans les conseils d’administration, rapporte Oxfam. Et cela grâce à la loi Copé-Zimmerman, votée en 2011, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration.
À noter néanmoins d'importants écarts selon les entreprises : en 2019, selon l’enquête d'Oxfam, cinq entreprises n’avaient aucune femme dans leurs instances de direction (Arcelor, Bouygues, STMicroelectronics, Vinci et Vivendi). En outre, aucune des entreprises du CAC 40 n’atteint la parité au sein des comités exécutifs. La seule qui s'en rapproche est Danone, avec 42,9 % de femmes.
Des femmes plus précaires et moins bien payées
Des femmes qui dirigent moins, et qui sont aussi surreprésentées dans les métiers les plus précaires et les moins bien rémunérés, alerte Oxfam. En France, elles occupent ainsi 78 % des emplois à temps partiel et 70 % des CDD et des intérims.
À cela vient s'ajouter le constat de l'écart des salaires entre les femmes et les hommes. En France, même si les inégalités de rémunération entre femmes et hommes ont tendance à diminuer, ces derniers sont toujours rémunérés en moyenne 22,8 % en plus par rapport aux femmes. Et à poste et compétences égales ? "L’écart salarial reste de 9 %, plus de 46 ans après l’inscription dans la loi du principe 'à travail égal, salaire égal' ", note l'association.
Pour pallier les inégalités entre les femmes et les hommes, Oxfam préconise principalement deux mesures :
- Renforcer les sanctions sur les entreprises ne respectant pas le principe d’égalité professionnelle,
- Étendre le congé paternité à un minimum de 6 semaines obligatoires, pour réduire les discriminations que subissent les femmes tout au long de leur carrière.
Des dividendes qui augmentent trois fois plus vite que les salaires
Au-delà des inégalités femmes-hommes, l'association pointe donc également une répartition des richesses déséquilibrée. Entre 2009 et 2018, les entreprises du CAC 40 ont ainsi augmenté les dividendes qu’elles versent aux actionnaires 3 fois plus vite que les salaires, et 5 fois vite plus que le Smic. Selon Oxfam, les gros actionnaires font pression sur les choix stratégiques des entreprises, en cause en particulier rémunération de leur PDG.
Championne de la distribution des dividendes : Engie, devant Total et Arcelor. Depuis dix ans, l’ex "Gaz de France" a distribué six fois plus de dividendes qu’elle n’a fait de bénéfices. Un choix au détriment de la transition écologique, estime le porte-parole d’Oxfam.
Plafonner à 80% la part des profits versés en dividendes permettrait en outre, selon le cabinet Proxinvest, non seulement de réduire les écarts de salaire mais aussi de financer un tiers des investissements verts des entreprises.
Oxfam constate les effets négatifs de cette mainmise des actionnaires sur les entreprises, notamment sur l’environnement : "La pression des actionnaires, notamment des actionnaires majoritaires, force les entreprises cotées à privilégier les attentes de la Bourse sur le court terme au détriment des enjeux de plus long terme liés au développement durable". Et à l'association de conclure : "La crise du coronavirus a montré la fragilité de leur modèle économique."
Selon Mr Louis-Valentin Lopez publié le
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