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14/03/2020

Faut-il bannir toute forme d'élevage?

INTERVIEW Le Salon de l'agriculture prend fin aujourd'hui le 1er mars. Arnaud Gauffier, le directeur des programmes du WWF, appelle à une évolution des pratiques dans des conditions économiques acceptables par les agriculteurs.
Alors que le salon de l'agriculture se termine aujourd'hui, Arnaud Gauffier directeur des programmes du WWF France revient sur les polémiques liés à l'élevage et l'environnement.
Challenges - Faut-il éradiquer l’élevage français pour favoriser l’écologie ?
Arnaud Gauffier. Non, l’idée n’est pas de bannir toute forme d’élevage mais d’élever moins d’animaux dans de meilleures conditions. Les herbivores par exemple valorisent des prairies que nul autre être vivant ne peut consommer. Cette herbe, ils la transforment en lait et en viande. Par ailleurs, certaines régions sont contraintes par la géographie. Les zones de montagne, les terres pauvres du centre de la France, les zones humides, les marais comme le Marais poitevin ont une productivité faible. Et l’élevage favorise la biodiversité. Ces régions utilisent peu de pesticides et d’engrais. Enfin, il faut rappeler que le fumier issu de l’élevage est le seul engrais naturel et que l’alimentation des ruminants n’est pas en concurrence avec l’alimentation humaine.
D’où viennent ces polémiques contre l’élevage ?
On assiste à une radicalisation de la société civile. La société est de plus en plus urbaine, elle s’est éloignée de ses racines paysannes. Elle n’a plus l’idée de la manière dont on produit son alimentation. Il y a beaucoup de bon sens paysan, mais on le perd de deux manières : dans les régions d’élevage hors sol comme la Bretagne et en spécialisant les productions par zone, en tout culture ou en tout élevage. Il faut revenir sur cette évolution. En Beauce, traditionnellement, les moutons venaient pâturer les champs après les moissons. On gardait quelques prairies pour nourrir le troupeau le reste de l’année. C’était très vertueux.
A l’échelle française, l’agriculture doit-elle d’urgence devenir biologique ?
Il faut encourager le développement du bio mais une production agricole 100% bio serait insuffisante pour répondre à la consommation actuelle de viande en France (c'est déjà le cas même avec une production industrielle puisque nous importons 70 à 80% des volailles consommées en restauration collective et fast-food, principalement depuis la Belgique et la Pologne). Et si on basculait la production mondiale en bio sans diminuer fortement la consommation de viande des pays développés, ce serait une catastrophe. Elle serait très insuffisante pour nourrir les populations et il faudrait avoir recours à plus de surface, entraînant de la déforestation. En occident, la seule solution consiste à manger moins de viande. On mange trop en quantité, l’apport calorique est trop important ce qui provoque surpoids, diabète etc. Par ailleurs, trop d’aliments génèrent une empreinte carbone très forte, comme la viande. Il faut rééquilibrer tout cela. Le WWF France et l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) ont publié récemment des scenarii pour y parvenir. La France doit diminuer sa consommation de volailles et de porcs dont l’élevage est presque totalement industriel. L’élevage de bovins doit aussi diminuer en basculant sur des races qui permettent de valoriser les zones difficiles. La race Holstein a besoin d’ensilage et de soja alors que les vieilles races à viande comme la Ferrandaise sont plus rustiques. Quand on remet les vaches à l’herbe, la production laitière baisse et le chiffre d’affaires de l’exploitation agricole aussi. Mais le revenu agricole progresse, car l’agriculteur a moins de charges, notamment de charges vétérinaires.
Les agriculteurs peuvent-ils changer seuls ?
On ne changera les modes de production qu’à condition de modifier la consommation dans les pays développés. Le risque, c’est que les friches agricoles augmentent en France et qu’on soit contraint d’importer des produits, entrant ainsi dans des phénomènes de dépendance qui sont des spirales infernales et dans lesquelles on ne contrôle plus rien.

Selon Mr Marc Baudriller - Challenges - dimanche 1 mars 2020

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