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04/03/2020

Comment mettre en place une transition alimentaire?

Un foisonnement d"initiatives:
Du Nord au Sud, les villes se retroussent les manches. Au sommet du C40 qui s'est tenu en octobre 2019 à Copenhague, 14 villes, qui chaque jour fournissent dans leurs établissements publics quelque 500 millions de repas, se sont engagées à parvenir en 2030 au Régime alimentaire planétaire préconisé quelques mois plus tôt par la Commission EAT-Lancet. Les signataires de cette Déclaration du C40 relative aux bonnes pratiques alimentaires (Barcelone, Copenhague, Guadalajara, Lima, Londres, Los Angeles, Milan, Oslo, Paris, Quezon City, Séoul, Stockholm, Tokyo et Toronto) comptent aligner leurs politiques d'approvisionnement sur cet objectif, notamment en servant moins de viande dans les institutions publiques ou en réduisant leur gaspillage de 50%.

Le sommet de Montpellier a montré que des actions urbaines de ce genre fleurissent partout. Ainsi, dans le sillage d'un projet lancé par l'ONG Natural Resources Defence Council (NRDC), les villes américaines Denver et Baltimore ont engagé une lutte contre le gaspillage alimentaire articulant collecte de données, éducation du public et des entreprises, construction d'infrastructures de recyclage, recours accru aux associations pour la redistribution des repas non consommés. Ces politiques permettent également de répondre aux cas fréquents d'insécurité alimentaire voire de faim, témoigne NRDC. De même au Brésil, à Sao Paulo, la création de banques alimentaires municipales a profité à 120.000 personnes, tout en permettant de sauver 170 tonnes de nourriture de la poubelle.

L'agriculture urbaine contre la pauvreté
Beaucoup de villes s'emploient également à soutenir l'agriculture urbaine qui, sans pouvoir à elle seule les nourrir, joue un rôle important dans leur sécurité alimentaire, souligne une étude de l'Agence française de développement: d'une part en maintenant des produits frais dans le régime alimentaire des citadins même lorsque les infrastructures de transport et de conservation sont déficientes, d'autre part en permettant aux populations urbaines défavorisées de produire une partie de leur propre nourriture, voire de vendre l'éventuel surplus.

 "Les maires ont la responsabilité d'assurer l'autonomie alimentaire des villes"
Ainsi, au Kenya, Nairobi promeut et régule depuis 2015 l'agriculture urbaine en tant que solution contre la pauvreté, témoigne Diana Lee-Smith, associée de l'ONG Mazingira Institute. A Rio de Janeiro, au Brésil, 50 tonnes de légumes bio, produits chaque année dans une quarantaine d'établissements municipaux, sont distribués gratuitement aux écoles et aux familles vulnérables. La ville de Quelimane, au Mozambique, conjugue lutte contre le gaspillage et promotion de la production locale: les restes alimentaires sont utilisés pour faire du compost, qui est ensuite redistribué aux agriculteurs locaux, explique son maire, Manuel de Araújo. Et ces agriculteurs sont aussi aidés dans la vente L'alimentation durable contre l'inégalité de genre

Sur tous les continents, de nombreuses initiatives visent en outre à améliorer la nutrition des habitants des villes. A Ouagadougou, au Burkina Faso, une campagne publique les met en garde contre les excès de sel et sucre du "street food" local, témoigne son maire Armand Béouindé. A Kazan, en Russie, la ville a centralisé la production de la nourriture des cantines scolaires afin d'en accroître la qualité et d'ainsi lutter contre l'obésité enfantine tout en maintenant des prix accessibles. Washington, aux Etats-Unis, subventionne l'achat de nourriture dans les marchés locaux de fruits et de légumes: 9.500 habitants à bas revenus ont déjà profité de ces aides. New York - qui, avec 238 millions de repas et snacks servis par an, est le deuxième acheteur de nourriture des Etats-Unis après l'armée - a élaboré une stratégie à horizon 2050 visant à permettre à tous l'accès à une alimentation de qualité, considéré comme un droit humain. La santé figure parmi les cinq valeurs qui doivent sous-tendre le "bon approvisionnement" des divers services de la ville.
D'autres actions se focalisent sur la gouvernance des systèmes alimentaires: à Milan par exemple, où l'on essaie d'associer l'ensemble des parties prenantes du territoire dans la définition des objectifs à poursuivre et des actions. Certaines villes, comme Niamey, au Niger, s'attaque à l'étalement urbain en tentant de contrôler les lotissements privés. Et même l'égalité de genre est parfois adressée via des politiques alimentaires durables: comme à Mezitli, en Turquie, où 650 femmes ont été accompagnées dans le développement des compétences nécessaires pour produire et vendre des aliments sur neuf marchés féminins.

Le défi du passage à l'échelle. Ce bouillonnement se heurte toutefois aussi à des obstacles. Parmi les principaux, celui du choix: car comment déterminer l'effet des diverses actions sur la durabilité des systèmes alimentaires? Une difficulté que tente notamment de lever un projet coordonné par le Cirad, dénommé Urbal, testé dans dix villes du monde (Baltimore, Brasilia, Berlin, Cape Town, Hanoï, Milan, Mexico, Montpellier, Paris, et Rabat). Son objectif est d'identifier l'ensemble des impacts des innovations alimentaires - "possibles ou observés, attendus ou imprévus, voulus ou contre-productifs" -, et d'ainsi repérer les conditions de réussite et les risques de chaque projet.
Mais le plus grand frein reste encore la difficulté que rencontrent ces initiatives locales à passer à l'échelle, y compris au niveau national, témoignent plusieurs acteurs. "Et la question est comment peser là où on dessine des politiques comme la politique agricole commune (PAC)", note Damien Conaré. Car face au poids des semenciers, de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution, qui captent le gros de la valeur ajoutée des filières, "la transformation ne pourra pas avoir lieu grâce à la seule répétition des bonnes pratiques: des cadres régulateurs sont nécessaires", met en garde Patrick Caron.
Selon Mme Giulietta Gamberini - La Tribune - jeudi 27 février 2020

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