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18/08/2019

Féminicide: que faire pour le limiter?

Aujourd’hui en France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou son ex-compagnon. Pour lutter contre ces violences, l’application App-Elles se met au service des femmes victimes et de leurs proches.
"Les féminicides ne sont pas une fatalité : Monsieur le président, réagissez". Rebecca Amsellem, fondatrice des Glorieuses, Diaryatou Bah, présidente de l’association Excision, parlons-en ! et Caroline De Haas du collectif Nous Toutes, et une trentaine d'autres signataires ont interpellé Emmanuel Macron dans une tribune parue dans Le Monde du 4 juillet. Elles appellent les pouvoirs publics à prendre des mesures "pour protéger les femmes et empêcher ces crimes". Les chiffres sont accablants. Chaque année, en moyenne, 140 femmes succombent sous les coups de leurs conjoints en France (en 2018, elles étaient 121). Au total, 230 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Depuis janvier 2019, 74 féminicides conjugaux ont été comptés, une accélération inquiétante. Fin juin, une femme a été tuée à coups de marteau à Vaulx-en-Velin (Rhône), un féminicide qui a déclenché une nouvelle vague de mobilisation. Samedi 6 juillet, place de la République, plusieurs associations engagées dans la lutte contre les violences faites aux femmes se sont réunies "pour arrêter le massacre" et interpeller une nouvelle fois Emmanuel Macron. Dimanche 7 juillet, Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a réagi. Elle a annoncé un “Grenelle” de la lutte contre les violences conjugales et donné rendez-vous aux associations et aux ministères concernés le 3 septembre. D’ici-là, une solution existe: celle qu'a créée Diariata N'Diaye, une artiste slameuse engagée au sein de son association, Resonantes, qui lutte contre les violences faites aux filles et aux femmes. 

Un dispositif qui vient en aide aux victimes de violences conjugales 
La technologie App-Elles a été lancée en 2015 pour aider les femmes victimes. Cette application gratuite propose trois services : alerter, joindre les services d’urgences et informer "pour accompagner les femmes car elles ne sont pas seules". En allant "sur le terrain", Diariata N'Diaye a constaté que "les victimes de violences ne savent pas à qui s’adresser en cas d’urgence". Même le 3919, numéro d'écoute national destiné aux femmes victimes de violences, n’est pas connu (encore moins retenu). "Vous, si vous avez un problème, vous contactez qui ? Un proche, pas la police !" affirme la conceptrice de "l’application qui n’a pas la prétention de sauver des vies", mais qui pallie le manque de moyens des pouvoirs publics. Car aujourd’hui, seul le téléphone grave danger (TGD) attribué par le procureur de la République, permet d’appeler la police, en appuyant sur une touche. En France, 3.000 femmes en disposent alors qu’en Espagne, elles sont 10.000. Un dispositif qui n'est pas suffisant puisqu'il ne s’adresse qu’aux femmes engagées dans une procédure judiciaire. Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, a annoncé le 7 juillet que plus de femmes pourraient bénéficier de ce système.
Une application nécessaire mais peu médiatisée 
Plus intuitive, l’application App-Elles a été téléchargée plus de 8.000 fois et est utilisée entre 800 à 1.200 fois par mois. Un chiffre qui reste modeste, car la technologie n’est pas encore disponible sur iPhone, mais elle le sera avant la fin de la semaine prochaine. "Une campagne de communication se prépare, car encore trop peu de femmes savent que notre solution existe. On n’est pas connu du grand public" note Diariata N'Diaye. L'application a été mise au point pour éduquer sur les violences conjugales, faire de la prévention et "faire en sorte qu’on en arrive pas à appuyer sur la touche alerte". 

App-Elles, mode d’emploi: Si une femme est menacée, elle peut lancer une alerte (il existe quatre modes de déclenchement, que l’utilisatrice doit définir). Pour cela, il lui suffit par exemple d’appuyer sur le bouton On/Off de son téléphone. Un bracelet connecté (mis au point par la start-up WaryMe) est aussi prévu, si la personne n’a pas le temps de saisir son téléphone, elle peut appuyer 4 secondes sur la surface de l’objet. "On voudrait faire en sorte que le bracelet soit accessible gratuitement, grâce au soutien des régions" explique la fondatrice de Resonantes. 
Dès que l’alerte est lancée, le téléphone portable de la victime appelle simultanément trois personnes de confiance qu’elle a désignées au préalable. "Car les femmes victimes de violences conjugales appellent des personnes de confiance. Et ce sont les témoins d’une scène qui appellent la police" remarque Diariata N'Diaye. Cette application fait donc évoluer le rôle des proches de victimes de violences, qui la téléchargent pour être contactés et "devenir les meilleurs alliés". 
En plus d’appeler les proches de la victime, le smartphone enregistre l’ambiance sonore et communique sa position GPS. "Ces enregistrements pourront vous servir à constituer et à présenter des preuves audio, datées et géolocalisées dans le cadre d'une enquête sociale ou judiciaire", lit-on sur le site internet de application. S’il y a urgence, l’application compose automatiquement le 112 (pour un appel téléphonique) ou le 114 (pour un échange par SMS, un premier message d'urgence s’envoie automatiquement). Il est aussi possible de dialoguer avec un policier ou un gendarme via un tchat (ou "portail de signalement des violences sexuelles et sexistes" disponible depuis le 27 novembre 2018), si la victime est "en recherche d’informations, de conseils ou d’assistance". App-Elles met en contact avec les services d'urgence mais sert aussi d’intermédiaire entre une femme victime de violences et une association (la plus proche géographiquement) capable de conseiller et de proposer une aide psychologique et juridique. L’utilisatrice a également accès à une carte interactive qui recense 900 structures d’aide et d’accueil internationales (centres d'aide juridique, médicale, sociale et de mise en sécurité des femmes victimes de violence). 
En bref, l’application facilite l’accès aux aides et tente de répondre à toutes les questions qu’une victime pourrait se poser : Où trouver de l'aide ? À qui en parler ?

Comment agir concrètement ? 
“Nous devons améliorer le référencement des structures, pour que chaque utilisatrice puisse trouver l’association liée à son département, sa ville, son village. C'est la priorité” confie la créatrice de App-Elles. Elle espère le soutien de Marlène Schiappa pour se 
développer, bien que la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes n’ait pour l'instant pas annoncé de hausse du budget consacré à la lutte contre les violences conjugales.

Léa Taieb - Challenges - jeudi 11 juillet 2019

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