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27/06/2019

Comment transformer les plastiques en vitrimères?

Le chercheur Renaud Nicolaÿ présente une nouvelle catégorie de matériaux qui pourrait un jour détrôner le plastique. Les vitrimères intéressent autant l’industrie (aéronautique, canalisations, emballages…) que la recherche mondiale. C’est un peu comme transformer le plomb en or. Grâce à un peu de chimie, le plastique actuel peut être transformé en vitrimères, plus facilement recyclables et aux propriétés plus larges. Etape 1 : transformer les différentes familles de plastiques en un unique matériau, les vitrimères. Etape 2 : recycler ces vitrimères à l’infini.
Dans certains domaines, il est compliqué de totalement se passer de plastique. Cette nouvelle classe de matériaux est souvent présentée comme une alternative qui peut mieux s’inscrire dans l’économie circulaire. Renaud Nicolaÿ est professeur à l’Ecole supérieure de physique et de chimie (ESPCI) de Paris et chef de projet au sein du laboratoire qui a inventé les vitrimères, en 2011. Il explique où en est la recherche.

Comment situer les vitrimères par rapport aux autres matériaux ?
Ils sont à l’interface des deux grandes familles de plastique. D’un côté, les thermoplastiques, que l’on appelle couramment «plastiques» (polystyrène, polyéthylène). Lorsqu’on chauffe ces matériaux, ils fondent, deviennent liquides, visqueux. C’est comme ça qu’on leur redonne une forme quand on les recycle. De l’autre côté, il y a les thermodurcissables. Chauffés, on leur donne une forme et ils la gardent pour toujours, comme les pneumatiques. Les vitrimères, eux, ont la propriété de s’écouler à haute température comme les «plastiques» mais ils ont la même structure que les thermodurcissables. Ils ont des résistances chimiques, des propriétés mécaniques bien supérieures aux plastiques.

Est-ce que tout le plastique actuel pourrait être substitué par les vitrimères ?
C’est ce sur quoi nous travaillons en ce moment. L’idée est de prendre les plastiques déjà existants pour faire ces nouveaux matériaux, qui sont aussi plus faciles à recycler. Nous avons mis au point en laboratoire une façon d’ajouter de petites molécules qui transforment le plastique en vitrimère à l’étape de la mise en forme, quand la matière est fondue et injectée dans un moule. Si ça marche bien on pourra probablement réduire la quantité de plastique produite annuellement : 350 millions de tonnes actuellement. Cependant nous sommes encore au stade de la recherche. Nous avons des collaborations qui, on l’espère, devraient commencer bientôt avec des industriels pour l’emballage ou l’agroalimentaire. Il faut aussi s’assurer qu’il n’y ait pas de problèmes de relargage ou de diffusion de molécules.

En quoi transformer les plastiques en vitrimères est-il plus intéressant pour le recyclage ?
Nous travaillons sur le cas des bouteilles plastique par exemple. D’un côté, le recyclage du plastique dégrade un peu les molécules : on les coupe, et leurs propriétés sont altérées. C’est pourquoi on ne peut pas faire une nouvelle bouteille en plastique avec uniquement du plastique recyclé. Avec les vitrimères le processus ne change pas les propriétés. En laboratoire, ils sont recyclables autant de fois que l’on a testé. En ce moment nous essayons de voir comment ça se retranscrit avec de plus gros volumes et dans les mêmes conditions que dans la vie de tous les jours.
Ces matériaux permettent de régler une autre difficulté : les différents types de plastique n’aiment pas se mélanger pour faire un seul matériau recyclé. Une fois qu’on les a mis dans un moule ils ont tendance à se séparer. C’est pourquoi on doit faire du tri sélectif pour recycler chaque famille à part. Or nous avons montré que les vitrimères permettent de créer une très forte adhésion entre des matériaux d’habitude incompatibles. A un peu plus long terme il faudrait voir s’il est possible de prendre des mélanges de plastiques et de les recycler tout en les transformant en vitrimères, sans avoir à les trier avant. A un peu plus long terme il faudrait voir s’il est possible de prendre des mélanges de plastiques et de les recycler tout en les transformant en vitrimères, sans avoir à les trier avant.

Est-ce que vous avez étudié le temps que les vitrimères mettent à se dégrader dans la nature, dans le cas où ils s’y retrouveraient ?
C’est une des difficultés. Faire des vitrimères organiques complètement biosourcés [à partir de végétaux par exemple, ndlr], et donc biodégradables, est aussi possible. Mais il faut prendre en compte l’impact global sur l’environnement et les différentes ressources utilisées pour produire le matériau : est-ce qu’on a utilisé beaucoup d’eau, des engrais, les coûts énergétiques de production et de transformation de la matière première et du matériau résultant…?

Margaux Lacroux - Liberation - mercredi 12 juin 2019

 

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