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19/05/2019

Recycler les déchets plastiques...

La trouvaille est aussi simple qu’ingénieuse : au Guatemala, des villageois introduisent des papiers de bonbon, des sachets de chips et autres emballages polluants dans des bouteilles en plastique. Avec un peu de sable, pour ses vertus ignifuges, cet amas compact se mue en brique de construction. Si la technique a des allures de système D, elle permet de recycler le plastique local en édifiant des bâtiments peu coûteux dans des zones démunies. Ce genre de recette essaime d’un bout à l’autre de la planète, en partie grâce à l’ONG WasteAid, qui en livre les modes d’emploi, assortis de conseils de prudence : avant de jouer à ce Lego grandeur nature, chaque déchet doit être nettoyé de toute trace alimentaire pour éviter la formation de méthane, un gaz explosif.
Dans le même esprit, l’ingénieur français Simon Bernard, 27 ans, prépare Plastic Odyssey, un tour du monde de trois ans et 33 escales sur les rivages les plus saturés de tongs, gobelets, filets de pêche… Dans les pays pauvres, la gestion des ordures est souvent insuffisante. Alors, pour éviter que ce fatras n’empoisonne la mer, la plage et les terres alentour, il faut encourager les habitants à le ramasser, en leur prouvant qu’il fourmille en ressources précieuses. Grâce à des techniques simples et libres de tout brevet, les restes de plastique seront transformés en meubles, sols, murs et toits protégeant enfin de la chaleur, contrairement à leurs équivalents en tôle. Simon Bernard lèvera l’ancre en 2020, à bord d’un bateau qui fonctionnera lui aussi grâce à certains plastiques collectés en route. Fondus dans une unité de pyrolyse, ils donneront du diesel pour alimenter le moteur.
Une mine de déchetse la chaleur, contrairement à leurs équivalents en tôle. Simon Bernard lèvera l’ancre en 2020, à bord d’un bateau qui fonctionnera lui aussi grâce à certains plastiques collectés en route. Fondus dans une unité de pyrolyse, ils donneront du diesel pour alimenter le moteur.

Une mine de déchets se métamorphose en « puits de pétrole »
Très prometteuse, cette technologie est le fer de lance de l’entreprise américaine Renewlogy. Sa fondatrice et dirigeante, Priyanka Bakaya, a étudié dans les prestigieux établissements de Stanford et du MIT. Lors d’un stage en Inde, elle découvre décharges et incinérations sauvages, fleuves gorgés de bouteilles de soda, barquettes en polystyrène, parapluies brisés… Elle décide alors d’affronter le plastique. Avec des usines au Canada, dans l’Utah et bientôt en Arizona, la technologie de Renewlogy se révèle particulièrement pertinente dans les lieux isolés, comme les îles, où le carburant est importé à grands frais. Une mine de déchets qui se métamorphose en « puits de pétrole », c’est autant de victoires pour l’environnement : moins de pollution et moins d’extraction de ressources fossiles.
Aujourd’hui, même les grandes marques gaspilleuses se bousculent pour montrer patte blanche. McDonald assure vouloir recycler 100 % des emballages de ses restaurants d’ici 2025. Ça ne mange pas de pain, fût-il fourré à la viande hachée. En janvier, les géants de la pétrochimie ont créé l’Alliance internationale pour l’élimination des déchets plastiques, qui vante le recyclage et promet un investissement d’un milliard et demi de dollars. Mais l’histoire des dernières décennies montre que les serments de ce type relèvent trop souvent de l’effet d’annonce.Quoi qu’il en soit, si le recyclage participe à la lutte contre la pollution plastique, il n’est en rien l’alpha et l’oméga. Ces matières, classées en sept catégories, ne peuvent toutes être réutilisées. Trop compliqué, trop coûteux, trop polluant. Comme le rappelle le Programme des Nations unies pour l’environnement, « les produits chimiques, ajoutés aux polymères, les matériaux mélangés, les emballages contaminés par des aliments… rendent le recyclage ardu et coûteux ».

Les limites de l'économie circulaire
Se gargariser d’« économie circulaire » s’apparente à un leurre. Dans la nature, les excréments de mouton servent d’engrais aux plantes qu’ils brouteront plus tard. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme en substance utile. On s’en approche avec le verre et les métaux. Mais pas avec le plastique, qui, quand il est traité une deuxième fois, réapparaît le plus souvent sous forme d’objets eux-mêmes non recyclables, telles les bouteilles métamorphosées en laines polaires. Comme le souligne Matt Wilkins, chercheur en écologie, dans la revue « Scientific American », tout miser sur la réutilisation revient à « planter un clou pour empêcher un gratte-ciel de s’effondrer ».
Et de pointer la principale aberration : l’afflux monstre de plastique à usage unique, comme les barquettes de supermarché ou les moquettes des foires et salons. Le recyclage est utile pour les déchets déjà partis dans la nature et les produits indispensables, comme les équipements médicaux. Mais la société du tout jetable, elle, n’est pas viable. Le meilleur déchet plastique reste celui qui n’existe pas. 

Karen Isère - Paris Match - dimanche 12 mai 2019

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