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29/12/2019

Au nom de l'intérêt collectif, faut-il verdir les banques françaises?

Les Amis de la Terre France et Oxfam France ont appelé à légiférer pour contraindre ses banques à adopter des stratégies visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Le lobby des banques conteste.
«Au nom de l’intérêt collectif, imposer une régulation financière serait un signal fort afin de limiter les impacts humains et de prévenir un risque de crise financière majeur dû aux changements climatiques». Les Amis de la Terre France et Oxfam France ont appelé ce jeudi la France à légiférer «dès 2020» pour contraindre ses banques à adopter des stratégies visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré.
Les deux ONG s’appuient sur une étude consacrée à l’empreinte carbone des banques. Elle préconise de nouvelles normes qui «devront garantir que les banques mettent fin à leurs soutiens à l’expansion des énergies fossiles et en programment la sortie totale. L’Etat doit garantir en priorité la sortie du secteur du charbon au plus tard en 2030 dans les pays européens et de l’OCDE, et d’ici 2040 dans le monde». «En 2018, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE – dans le secteur des énergies fossiles ont atteint plus de 2 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 4,5 fois les émissions de la France cette même année», accusent les deux ONG dans cette étude.
Ce rapport est obtenu en comparant deux chiffres. D’une part «l’ensemble des transactions financières réalisées par des banques françaises en direction d’entreprises actives dans les énergies fossiles en 2018» et par ricochet leur contribution à générer des activités émettrices de gaz à effet de serre. Et d’autre part celui des émissions de gaz à effet de serre de la France pour 2018.
Vrai engagement ou «communication» ?
Les établissements bancaires ont pris ces dernières années divers engagements pour se désinvestir progressivement de secteurs tels que le charbon, le tabac ou encore les sables bitumineux. Mais «le rythme de marche est bien trop inégal et lent», tancent les deux ONG, qui dénoncent des effets de «communication» et «le rôle joué par les lobbies de la place financière parisienne pour freiner toute forme de régulation publique». «Nous travaillons bien avec le gouvernement qui organise le cadre juridique pour vérifier que nous tenons nos engagements, cela nous va très bien», a réagi Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française, interrogé sur les conclusions de ce rapport par Europe 1. Contestant la validité et les méthodes de ce rapport, le président du lobby bancaire français a affirmé que «les banques françaises (étaient) les premières (au monde) engagées dans cette transition», soulignant que quatre banques de l’Hexagone comptaient parmi les dix premières au monde dans le financement des énergies renouvelables, avec une enveloppe de près de 40 milliards d’euros. Mais «il faut être réaliste», a jugé Oudéa. «Très concrètement, on arrête de financer Air France, Renault et Peugeot ? Ou est-ce qu’on les accompagne en finançant des voitures et des avions électriques ?», a-t-il développé, expliquant que les banques demandaient à leurs clients de leur présenter leurs actions pour modifier leur mix énergétique progressivement.
Côté gouvernement, Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique, a déclaré que le rapport d’Oxfam serait étudié. «Les banques seront sensibles à la façon dont l’opinion publique peut juger leur action», a-t-elle estimé, pointant leur «très grande responsabilité» dans leurs investissements.
95 lobbyistes
Selon Les Amis de la Terre et Oxfam France, «en 2018, les banques et leurs représentants d’intérêt ont déclaré près de 10 millions d’euros pour influencer les décideurs nationaux, avec pas moins de 95 lobbyistes». Les deux ONG pointent aussi du doigt «l’interdépendance entre banquiers et décideurs» qui «s’explique également par les nombreux passages de hauts fonctionnaires du secteur public au secteur privé et vice-versa, des "portes tournantes" fonctionnant à plein régime».
 Selon Libération-jeudi 28 novembre 2019